JUSTE UN PEU DE TEMPS de Caroline BOUDET

JUSTE UN PEU DE TEMPS de Caroline BOUDET
Aux Editions Stock - 270 pages 

« La charge mentale. La foutue charge mentale. Qui ressemble de plus en plus à une charge explosive qu’elle ferait volontiers sauter… 

Quelque chose a claqué en elle. Sophie ne voulait pas rentrer, ne pouvait pas. Elle ne voulait plus de cette vie-là. Ses pieds n’avaient tout simplement pas pu prendre le chemin de la gare, ses doigts avaient d’eux-mêmes éteint son portable, et son instinct maternel — je suis indispensable, je suis coupable, ils ne sont rien sans moi — s’est mis en mode silencieux pour la première fois depuis sept ans.
Un silence absolument, pleinement, intensément reposant. »


MON AVIS :

Sophie, 36 ans, mère de famille, épouse, salariée dans un domaine qu'elle a choisi. Tout est possible lorsqu'on s'investit. La preuve son collègue a été félicité à la naissance de son premier enfant. La "boîte" lui a donné un coup de pouce financier. Alors, Sophie est allée annoncée sa première grossesse heureuse et confiante. Et Vlan, les dossiers les plus prenants -comprendre les plus intéressants- lui sont ôtés, pour la soulager, bien sûr...

Quel petit bonheur ce roman. De l'ironie, du cynisme, de l'humour : un peu "citron sur la plaie" me direz-vous ? Mais OUI, délicieusement piquant ! Sensible, drôle, émouvant. Les situations vraies, décrites de manière directe, simples, sans fausse pudeur sont délicieuses et crispantes à la fois. Même les dernières lignes, bien qu'un tant soit peu prévisibles sont drôles et tendres en même temps.


Sophie n'en peut plus de la lessive, des petits tas de linge posés avec classe par tailles avant d'être rangés. Peu importe qu'elle est pris soin d'indiquer le numéro de téléphone de son époux, même interverti l'année suivante sur le formulaire idoine, on la retrouve toujours. Elle a bien tenté de trouver du temps pour elle, Loïc a tout de suite dit oui, mais n'a pas manqué chaque fois d'y aller de sa petite phrase culpabilisante "J'espère que tu en as bien profité parce que..." alors à la deuxième tentative, elle a d'elle-même renoncé.

Loïc est un gentil mari.  Évidemment, chaque fois qu'elle lui demande du soutien, il râle un peu mais s'exécute ; si elle se rebelle en lui demandant des détails sur l'agenda des enfants, il s'insurge "c'est dégueulasse ! cette question", comme s'il avait réponse à tout.

Sophie ne se sépare pas de son petit carnet rouge dans lequel tout est noté. Organisation quasi militaire pour ne rien oublier, pour que TOUT soit sans bavure. Elle a dans la tête la gestion des tâches nécessaires à la satisfaction des besoins de toute sa petite famille, mais les siens dans tout ça ? Sophie est citée en exemple par ses voisins, collègues, amies, tout le monde dit qu'elle est parfaite, son couple est idéal, ses enfants impeccables.

Sophie n'en peut plus, elle l'a dit, n'a pas été entendue. Que faire alors ? Prendre "Juste un peu de temps" pour elle. Sophie s'échappe, respire, profite de ces quelques heures sans culpabilité, enfin. 

Travail, enfants, maison, la charge mentale est un "terme" récent pour décrire la place des femmes dans la société depuis qu'elles travaillent. Les hommes sont trop heureux de dire que leurs femmes ne veulent pas déléguer...

L'auteure décrit formidablement la vie un peu folle des femmes d'aujourd'hui, épouse-mère-bosseuse, à travers celle de Sophie, la si jolie "mauvaise foi" de ces messieurs qui participent pourtant si bien à la vie de leur foyer.

Ils préparent les courses "au fait, qu'est-ce que je mets sur la liste ?" demande Loïc pile au moment ou Sophie prend sa douche tranquille parce de 7H à 20h30, elle n'a pas eu un moment pour elle. Mais qu'on se rassure Sophie a de la chance : son mari cuisine, s'occupe des enfants, "participe beaucoup" ! Vous entendez le cri silencieux ? 
À l'intérieur de la tête de Sophie, on visualise le "Cri" de Munch...
Loïc n'y comprend rien, ses copains pensent que sa femme lui "fait sa crise de la quarantaine". C'est vrai, une femme peut anticiper sur son homme puisqu'elle vit deux vies en une : Épouse et mère. Pourquoi ne pas anticiper sur celle de mi-parcours, celle des hommes : la cinquantaine !

J'ai ri, souri de certaines situations. Il m'a manqué un peu de l'auto-analyse de Loïc qui m'aurait amusée. C'était "Juste un peu de temps" pour moi, j'ai beaucoup aimé cette fiction. Mesdames, offrons-le à nos époux.


Ma B.O. du roman : Feist 1234

Sélection automne 2018 68 premières fois

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