RHAPSODIE DES OUBLIES


RHAPSODIE DES OUBLIES
Auteure : Sofia Aouine
Aux Editions de la Martinière - 192 pages

« Ma rue raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans ».


Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d'Or, Paris XVIIIe. C'est l'âge des possibles : la sève coule, le coeur est plein de ronces, l'amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. A la manière d'un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.


Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d'un quartier et l'odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l'amour et l'enfance ne sont jamais loin.

Dans une langue explosive, influencée par le roman noir, la littérature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine nous livre un premier roman éblouissant.



Mon avis



Sofia Aouine déroule la vie d'Abad. Gamin déraciné du Liban qui tente de s'enraciner entre Barbès et la Goutte d'Or. Rue Léon. 

Abad est un peu le gavroche des temps modernes, débrouillard, ouvert au monde qui l'entoure, surtout aux femmes. Gamin sensible dans un quartier tout aussi sensible !

Histoire de déracinés, tombés tous dans la rudesse d'un quartier où il faut être fort, où règne la délinquance. Pourtant il y a de l'amour aussi dans le quartier de ce môme, le tarifé et le vrai, celui que le lie à la Batman d'abord, à Gervaise, Odette, Ethel et son drôle de chat, Colette. 


Afin de lui éviter de tomber dans la délinquance, il est envoyé voir une psychologue censée lui guérir le dedans. Coupé de ses racines, il enferme la douleur jusqu'à la rencontre de la dame qui lui fouille le dedans. La perte de sa Mémé, la guerre de 1975. Avec quelques clins d'oeil littéraires et cinématographiques à découvrir pour étoffer le propos.


Sofia Aouine nous offre une histoire percutante, réaliste, violente, sombre et lumineuse où se concentre toute la noirceur du monde, qui ne laisse pas indifférent. L'écriture est crue, brutale et tendre à la fois.


Ce premier roman-là bouscule, ne laisse pas indifférent, on aime ou il échappe des mains. Je l'ai tenu jusqu'à l'épilogue !



Ma B.O. du roman :


Etre né quelque part de Maxime Leforestier




Sélection Automme 2019



UN PEU DE NUIT EN PLEIN JOUR

UN PEU DE NUIT EN PLEIN JOUR
Auteur : Erik L'Homme - 173 pages
Editions Calmann - Levy

"Il ne reste plus que ça aujourd’hui, la communion des caves, cette sauvagerie qui seule subsiste une fois quittée la grisaille de la surface où les clans survivent dans des boulots plus pourris qu’une charogne oubliée sur un piège."

Ce pourrait être le monde de demain. Paris est envahi par une obscurité perpétuelle et livré aux instincts redevenus primaires d’une population désormais organisée en clans. Dans ce monde urbain terriblement violent, Féral est un des derniers à avoir des souvenirs des temps anciens. Il est aussi un as de la « cogne»,
ces combats à mains nues qui opposent les plus forts des clans dans des sortes de grand-messes expiatoires. C’est lors d’une de ces cognes qu’il rencontre Livie, qui respire la liberté, l’intelligence, la force. Leur amour est immédiat, charnel, entier. Mais le destin de Féral va se fracasser sur cette jeune femme qui n’est pas libre d’aimer.

Bijou littéraire, Un peu de nuit en plein jour parle de notre monde qui s’abîme, de la part de sauvagerie en l’homme, de l’inéluctabilité des destins.



Mon avis


Le monde dans lequel vit Féral est sombre, rude, sans concessions. Il a fait le choix des arbres, de la force brute pour s'exprimer même si le feu qui brûle dans les yeux de Livie le consume tout entier.


Une brève relation va unir ces deux êtres si différents, l'un qui a connu le monde d'avant, taiseux, contemplatif, brutal dans l'arène lorsqu'il s'adonne à la cogne. Elle, jeune, libre, lumineuse, fascinée par la force féroce de cet homme hors du commun. Un monde sombre et violent où coexiste pourtant la solidarité, la passion, l'amitié et le pire de ce que l'homme peut produire, la cupidité, l'envie, la haine...


Fable moderne, conte cauchemardesque, roman d'anticipation ? Inclassable ! La plume est poétique, les phrases et les chapitres courts concourent au sentiment d'urgence de ce monde où les pauvres vivent en clans pour survivre, où les riches créent des serres pour recréer leurs jardins d'avant, où la vie dure toujours dans l'ennui et la solitude...


Erik L'Homme nous offre un roman dense, dans lequel la fiction est proche de la projection que l'on se fait d'un monde où la nature n'est plus au coeur de la société.

J'aurais aimé en apprendre plus sur Féral, la vie d'avant, pourquoi le monde en est arrivé là ? Peut-on choisir entre instant et éternité ?

Une lecture intense, toute en nuances, qui captive le lecteur, une ode à la vie. Des questions restent sans réponses mais impossible pour autant de lâcher le livre avant son épilogue. Un roman pour se poser des questions sur l'avenir de l'Homme et de l'Humanité.


Merci à Babelio et son opération Masse Critique, aux Editions Calmann-Levy pour la belle découverte de la plume d'Erik L'Homme.

Mon profil sur Babelio.com

Ma B.O. du roman :
Une goutte d'eau Nicole Rieu




L'ULTIME MYSTERE DE PARIS

L'ULTIME MYSTERE DE PARIS
Auteur : Bernard Prou
Editions Anne Carrière

En 1960, au lycée Bugeaud d’Alger, pendant les événements dramatiques qui marquent la fin de la guerre d’indépendance de l’Algérie, s’ébauche une amitié sans faille entre trois élèves, un surveillant et un professeur de l’établissement : Stefano Buenvenutto, Oreste Bramard et Michel Garousset, lycéens ; Philippe Courtillac, professeur de physique ; Ernest Bourbaki, surveillant et, accessoirement, membre de l’OAS.

Vingt ans plus tard, à Paris, les cinq hommes créent un cercle de recherches dédié à l’étude et à la conservation d’inestimables archives historiques disparues depuis plus de mille ans. Ces archives, conservées à l’origine dans le sanctuaire de Qadisha, au nord de l’actuel Liban, remontent aux premiers siècles de notre ère. Elles se composent de textes manuscrits et d’une relique mythique : l’authentique tête, suppliciée et embaumée, de saint Jean-Baptiste. Pour les conserver à l’abri des convoitises, les cinq amis ont aménagé une crypte, dans les anciennes carrières situées sous le cimetière du Montparnasse. Mais l’assassinat d’un de leurs proches, puis celui de Michel Garousset, au beau milieu du cimetière, sonnent comme un signal d’alarme. Gustave Mugniard, le lieutenant de police d’abord chargé de l’enquête, est mis d’office à la retraite. Il offre alors ses services aux membres survivants du « cercle Qadisha ».



Mon avis :


Avec ce roman, vous retrouverez les ingrédients qui ont fait la réussite des deux précédents romans de Bernard Prou. Des protagonistes érudits, un contexte historique omniprésent, documenté. Une amitié indissoluble dans le temps.

J'ai été ravie de découvrir d'où venait Oreste, remarqué lors de l'expertise de la bibliothèque extraordinaire du docteur Saint-Marly. Joli clin d'oeil à "Délation sur ordonnance". 

Cinq hommes décident envers et contre tout de préserver la relique de Saint-Jean Baptiste, les archives historiques inestimables pour le monde qui l'accompagnent. Cinq amis aux compétences complémentaires, férus de sciences  et amoureux des livres : Philippe Courtillac, Michel Garousset, Stefano Bienvenutto, Oreste Bramard, Ernest Bourbaki.

Ces hommes vont tout faire pour mettre à l'abri de toutes convoitises les secrets contenus dans ces archives, quittent à y laisser leur peau. À la mort de Ludovic, que vous découvrirez au coeur de l'intrigue va précipiter les choses pour les cinq amis.

L'enquête est confiée à Gustave Mugniard, lieutenant de police, qu'une mise à la retraite forcée ne va pas dissuader d'enquêter sur ce meurtre hors du commun. Un petit côté Nestor Burma, zesté de Simon Templar pour la sape, mais enquêteur chevronné qui ne lâchera rien pour découvrir la vérité au nez et à la barbe de ses anciens collègues.

On plonge avec Léonard dans ce cercle de Qadisha, avec la bataille menée par les survivants du Cercle pour la préservation, au nom de l'amitié d'abord, pour éviter le cahos dans le monde ensuite, des secrets qui accompagnent la relique. Une tension qui monte crescendo pour une histoire d'hommes qui s'inscrit dans celle de l'Humanité.

Un moment de lecture intense qui demandera toute votre attention, dont vous sortirez instruits de secrets à garder !


Ma B.O. du roman :

Paris, c'est une idée Léo Férré

J'AI CRU QU'ILS ENLEVAIENT TOUTE TRACE DE TOI

J'AI CRU QU'ILS ENLEVAIENT TOUTE TRACE DE TOI
De Yoan Smadja
Aux Editions Belfond - 279 pages

Printemps 1994. Le pays des mille collines s'embrase. Il faut s'occuper des Tutsi avant qu'ils ne s'occupent de nous. Rose, jeune Tutsi muette, écrit tous les jours à Daniel, son mari médecin, souvent absent. Elle lui raconte ses journées avec leur fils Joseph, lui adresse des lettres d'amour... Jusqu'au jour où écrire devient une nécessité pour se retrouver. Obligée de fuir leur maison, Rose continue de noircir les pages de son cahier dans l'espoir que Daniel puisse suivre sa trace. Sacha est une journaliste française envoyée en Afrique du Sud pour couvrir les premières élections démocratiques post-apartheid. Par instinct, elle suit les nombreux convois de machettes qui se rendent au Rwanda. Plongée dans l'horreur et l'indicible, pour la première fois de sa vie de reporter de guerre, Sacha va poser son carnet et cesser d'écrire...


Mon Avis


Quelle délicatesse pour raconter les temps de la Vanille puis l'avènement du pire. Le massacre de masse d'une partie d'un peuple. Comment alors que, comme Rose, on vit depuis toujours paisiblement proche de l’Ambassade de France, qu’on se ravit les papilles avec insouciance, qu’on cotoie ses voisins, devient-on l'objet de toutes les haines ?
Deux femmes, Sacha la correspondante de guerre "du temps" qu'un simple accident de la circulation avec un camion, va mettre sur la piste d'un convoi de machettes. Trop aguerrit aux situations de guerre pour ne pas sentir le danger que représentent un nombre impressionnant de caisses de machettes à destination du Rwanda, elle va écouter son instinct, se rendre à Kigali avec Benjamin, contre l'avis de son rédacteur en chef. On vit au coeur des écrits de Rose, qu'elle destine à Daniel, et de ceux de Sacha plongée avec Benjamin le photographe, dans ce monde devenu sanguinaire, aux côtés de Daniel passé d'obstétricien à médecin humanitaire. Rose voudrait pouvoir crier face aux atrocités dont elle est témoin. L'écrit lui permet de survivre dans l'espoir que Daniel les retrouve, elle et Joseph. Dans ce monde effroyable, au coeur de ce printemps tragique, deux femmes vont prendre des décisions d'amour pur pour un petit garçon qui les liera à jamais. La puissance de ce roman est le point de vue de ces deux femmes sur le désastre humanitaire qu’a vécu le Rwanda, à jamais meurtri par son génocide. Un récit tragique, où la poésie conte l'inhumanité, la terreur, l'amour sincère de Rose et Daniel au creux d'un monde devenu d'une brutalité insoutenable. L’amour éperdu de Rose pour son fils, Joseph. Un premier roman lumineux où l'espoir rayonne. Un cri d'amour déchirant.

Ma B.O. du roman :

Wyclef Jean - Million Voices


Sélection hiver 2019