Badroulboudour - Jean-Baptiste de Froment

Badroulboudour

Auteur :  Jean-Baptiste de Froment

Aux éditions Les Forges de Vulcain

Antoine Galland, universitaire inadapté à la vie moderne, a été quitté par sa femme. Il arrive au Kloub, un club de vacances au bord de la mer, en Egypte. Un jeu mystérieux et peut-être dangereux lui est alors proposé : démasquer Badroulboudour, la femme idéale. Sous la forme d'un conte comique et légèrement kafkaïen, commence un récit d'apprentissage qui fera d'Antoine, bien malgré lui, le principal protagoniste d'une supercherie nationale. A moins qu'il ne s'agisse d'une histoire d'amour dont il est le héros.




Mon avis :


Jean-Baptiste de Froment offre un roman intrigant. Deux hommes, deux époques, une passion pour les  Mille et Une nuit, deux femmes l'une l'idéale d'un conte Badroulboudour, l'autre instigatrice d'un dépaysement attendu au Kloub, Madeleine.

L'auteur plante son décor dans un club de vacances égyptien où viennent et reviennent des clients "all inclusive" qui ne bougeront plus du bord de la piscine alors quand le "Géo" local propose une chasse à la femme merveilleuse des contes de Mille et Une nuit Badroulboudour, comment ne pas se laisser embarquer. Après tout Antoine est l'homonyme du traducteur, il ne peut pas se dérober. Qui mieux que lui pour la trouver ?

Ce roman est déroutant par la tournure choisie pour raconter les mésaventures d'Antoine, entre passé et présent, on découvre les protagonistes avec force détails : l'ami encombrant, les petites filles dissipées et indociles, le Président opportuniste. Ne vous attendez pas à un roman léger,  le texte est exigeant, il brocarde et tourne en dérision une époque tournée vers le paraître, la réussite, avec ironie et dureté parfois. C'est un roman dense à bien des égards grâce aux références culturelles et aux informations fournies sur la création du fameux conte et des personnages contés par un marchand syrien au premier né des Antoine Galland. 

Ce n'est pas une lecture reposante, mais tout à fait captivante. 

Je remercie les Editions Forges de Vulcain et Babelio pour son opération Masse Critique qui m'a permis la découverte de cet auteur.



MINUIT, DERNIERE LIMITE - LEE CHILD


 Minuit, dernière limite
Une aventure de Jack Reacher

Aux Editions Calmann-Levy Noir

Jack Reacher se promène dans une petite ville du Wisconsin lorsqu’il découvre une bague de West Point, promotion 2005, dans la vitrine d’un prêteur sur gage. Plus intrigant encore, cette bague a appartenu à une femme. Qu’est-ce qui a donc pu amener cette ancienne de West Point à mettre en gage un bijou
si précieux, preuve de quatre années de durs combats en Irak et en Afghanistan ?

Ancien de West Point lui-même, Reacher
soupçonne un vol, voire pire, et décide de retrouver cette femme et de lui rendre sa bague.

Ainsi commence un périple de plus en plus violent et
crépusculaire qui le verra errer jusque dans les déserts du Wyoming et régler leur compte à tout un tas d’individus peu recommandables qui, bikers, dealers et corrompus divers, n’ont aucune envie de le voir fouiner dans leurs trafics.

Cependant, rien ne l’arrête et, alors que son enquête avance et que les dangers s’aggravent et se multiplient, Reacher comprend que cette bague raconte surtout l’honneur, mais aussi l’horreur de ce qu’a vécu et vit encore cette femme, qu’il lui faut sauver coûte que coûte. Déchirant.


Mon avis :


Lee Child crée avec Jack Reacher, un personnage attachant. Le redresseur de torts qu'on aimerait voir oeuvrer à corriger tous les corrupteurs du monde. À rendre la vie meilleure pour leurs victimes.

Voici un ancien major de la prestigieuse West Point qui, après avoir quitté une petite amie incommodée par le choix de l'homme de ne jamais rester au même endroit, le quitte pour reprendre sa vie d'avant la parenthèse Jack.

Jack qui se laisse porter par la première gare routière ou le dernier dollar remis à un SDF régulateur de covoiturage du Montana ou d'ailleurs. C'est au détour d'un arrêt que Jack va apercevoir une chevalière de West Point, minuscule, chez un prêteur sur gages.

Dès lors, il n'aura de cesse de trouver la propriétaire de ladite bague pour la lui rendre ou comprendre pourquoi cette bague est arrivée à cet endroit au milieu de nulle part. Il se lance dans sa quête à corps perdu. Les rebondissements et aventures jalonneront sa route.

Le chemin de Jack croisera celui de Rose, enfin. Jack fera alors entorse aux règles mais pas à la recherche de la vérité, pas à sa volonté de rendre son honneur à Rose pour la fraternité d'avoir servi la même arme, puis surtout pour la voir redevenir elle-même, une femme engagée dans la vie pleinement.

Des thèmes forts y sont abordés, la fraternité, les gueules cassées de retour des zones de guerre, la souffrance et ses traitements. L'après, le retour à la vie civile une médaille épinglée au revers d'un uniforme pour tout viatique.

Un roman d'action qui plaira aux amateurs du genre avec ce qu'il faut, de laideur de l'humanité et de lumière, pour faire reculer les ténèbres. Un roman qui capte et vous laisse groggy avec l'espoir que Rose retrouve sa vie à l'épilogue.

Jack Reacher est une belle découverte. Il est le loup solitaire que l'on espère croiser, en cas de problème insoluble, en apparence.

Plus profond qu'il n'y paraît, c'est un plaidoyer flamboyant contre le traitement du mal-être des soldats revenus de terrains d'opérations abîmés psychologiquement ou physiquement voire les deux, dépendants à différentes substances opiacées pour faire face à la douleur au quotidien. Un roman captivant et engagé.


Là ou renait l'espoir _ Elise Fischer

 LA OU RENAIT L'ESPOIR

Autrice : Elise Fischer

Aux Editions Calmann-Levy  _  374 pages

Édouard et Reine sont des enfants de la guerre, nés d’un père alsacien, Armand Baumann, et d’une mère lorraine, Léonie Peltier. 
Édouard est venu au monde en 1939 alors qu’Armand, mécanicien automobile, était sur la ligne Maginot. Fait prisonnier, le jeune Alsacien a été aussitôt enrôlé de force dans l’armée allemande, dont il est parvenu à s’échapper. Reine est née après ses brèves retrouvailles avec Léonie, en 1942.

L’absence de leur père, parti rejoindre les Forces Françaises Libres, l’engagement inconditionnel de leur mère dans les rangs de la Résistance vont faire peser sur le frère et la soeur une lourde chape de deuil, de souffrance et de non-dits. Au point de les éloigner l’un de l’autre…

Pour toujours ? Peut-être pas. Car cinquante ans après, Édouard propose à Reine d’affronter ensemble les spectres du passé. Thèmes: Grand-Est 
Collection : Territoires


Mon avis :


Armand Baumann et Léonie Peltier vont décider de se battre chacun à leur manière contre l'envahisseur Allemand. Une fois de plus dans leur belle Alsace-Lorraine, il va falloir faire une guerre de l'ombre pour rester Français.

Léonie confie sa fille et son fils aux bons soins des femmes de la famille, sa soeur Clairette, qui elle aussi, va choisir la résistance puis le cloître.

Un père mécanicien absent, parti se battre au sein des forces françaises libres en Afrique du Nord, une mère infirmière et résistante qui tente de mettre à l'abri enfants juifs et jeunes gens réfractaires au travail obligatoire en Allemagne. Leurs deux enfants Edouard et Reine se construisent dans l'absence, le secret, la peur. Reine refuse les histoires que l'on lui raconte sur sa mère. Seule lui reste sa marraine devenue nonne et l'amour de sa grand-mère.

Ce roman c'est un hymne aux racines, à l'acceptation de la différence, à l'amour qu'il soit filial, adultérin, fraternel, à l'Amour tout simplement. Il nous raconte la place des femmes dans la société de cette époque. Le traitement réservé aux gens jugés aliénés, hystériques ou simplement gênant.

On suit Reine-Ruth qui veut reprendre sa vie, entendre la vérité pour avancer sereinement, construire le reste de sa vie en se reconnaissant enfin au sein de cette famille. Elle veut avoir la place qui lui revient.

À l'acmé du roman, on s'accroche à l'espoir que les femmes triompheront de leur peur, du mensonge, pour recréer une famille, celle dont Ruth a été écartée trop longtemps.

Les chapitres courts rythment la montée en tension de ces destinées façonnées par la guerre, leur attachement à leur territoire et à l'idée d'une France libre, ouverte, sans ligne Maginot. Les émotions sont fortes à vivre le quotidien de ces personnages nombreux mais tous bien campés.

Elise Fischer nous livre une histoire difficile et captivante qui nous fait traverser le quotidien de gens ordinaires devenus extraordinaires par la force de leur volonté à être libres.



LUNA _ SERENA GUILIANO

 LUNA

Autrice : Serena Guiliano

Editions Robert Lafont

Parfois, on pense trouver le soleil en août, mais c'est la lune qu'on trouve en mars.
Luna arrive à Naples contre son gré : son père est gravement malade. Rien, ici, ne lui a manqué. Ses repères, ses amies, son amour sont désormais à Milan. Alors pourquoi revenir ? Pourquoi être au chevet de son papa, au passé trouble, et avec lequel elle a coupé les ponts ?
Mais Napoli est là, sous ses yeux : ses ruelles animées et sales, ses habitants souriants et intrusifs, sa pizza fritta, délicieuse et tellement grasse, son Vésuve, beau et menaçant…
Est-il seulement possible de trouver la paix dans une ville si contrastée ? Mais si ce retour aux sources sonnait finalement l'heure de l'apaisement ?



Mon avis :


Ce roman est un bonbon tantôt acidulé, tantôt sucré. 

Luna est une jeune Napolitaine énergique et spontanée. Milanaise depuis que sa mère l'a emmené enfant loin de son père et de la superbe villa qu'ils occupaient.

Enfant, elle a d'abord quitté le quartier animé où elle vivait avec sa cousine Gina pour une maison cossue face à la plage et au Vésuve. Elle en veut dès lors à son père de l'avoir privée de cette cousine meilleure amie, de son absence.

Lorsqu'il tombe malade, Luna se sent obligée de venir à son chevet le temps de sa convalescence.

Luna se redécouvre durant son séjour Napolitain. Naples prend corps et vie sous la plume de Serena Guilano. 

Ce roman est une invitation au voyage et à la cuisine italienne, comment ne pas saliver en regardant Luna et ses amies se goinfrer de gourmandises. Un hymne à l'amitié, à l'acceptation de soi, une dose d'antiracisme et de bonne humeur qui mettent les zygomatiques en position haute.

Les personnages secondaires sont délicieux. Luna et ses émotions contradictoires emplissent le coeur de tendresse.

Sous des dehors de sucre et de miel, des thèmes profonds sont abordés : l'écoute, le pardon, la solidarité, le racisme, la différence, un joli moment de lecture. 

Une bulle d'évasion qui fait un bien fou en cette période grise de pandémie.



TROIS VOEUX _ Liane Moriarty

 TROIS VOEUX 

 Autrice : Liane Moriarty

Aux éditions ALBIN MICHEL

Trois sœurs, une complicité sans faille.

Impétueuses, attachantes, les triplées sont animées par un doux grain de folie. Une famille en apparence parfaite.

Lyn est une superwoman d’aujourd’hui, comblée mais débordée. Gemma rêve d’amour mais pas d’engagement. Quant à Cat, entre espoirs de maternité déçus et secrets conjugaux, elle est en pleine remise en question.

Le soir de leurs 34 ans, une parole malheureuse et la fête tourne mal.

Quelle vérité indicible a pu si brutalement faire basculer la belle entente des triplées ?


Mon avis :


Liane Moriarty nous raconte l'histoire de trois jeunes femmes de 34 ans. L'écriture est vive, percutante, l'humour est omniprésent avec les échanges mails entre les soeurs. Les personnages sont fouillés et attachants, les triplées comme Nana la grand-mère excentrique. Les thèmes universels.

Lynette a qui tout réussi, une jolie famille, une entreprise prospère. Catriona, responsable des ventes auprès d'une grande marque de chocolats et enfin Gemma la fantasque, pas d'homme dans sa vie plus de six mois d'affilée, pas de carrière, pas d'appartement ou maison où se créer un cocon.

Un trait commun à chacune, la vitesse au volant, le nombre de contraventions. Une différence notable : Lyn a mis au monde Maddie, Cat rêve d'avoir un enfant, Gemma n'y pense même pas !

Quelle gageure pour Maxine et Franck d'élever des triplées lorsqu'ils n'ont eux-mêmes que 20 ans ! qu'ils divorcent lorsque vous n'avez que 6 ans, les disputes, la rivalité entre la mère un peu rigide et le père-copain qui leur laisse tout faire.Tout est en place pour que Lyn, Cat et Gemma soient en compétition. 

Au fil du récit foisonnant, on entre dans l'intimité des soeurs, des parents pour mieux comprendre qui elles sont à ce stade de leur vie. Quelques flash-back, permettent de comprendre qu'elle a été leur enfance, leurs premiers émois amoureux. Pour nous amener à ce fameux soir où tout bascule lorsque l'une d'entre elles, hors d'elle, projette une fourchette à fondue sur le ventre de sa soeur enceinte qu'elle envie plus que tout. 

Des portraits de femmes modernes, féministes mais pas trop, qui ont toutes les trois, à quatorze ans, écrit une lettre à destination d'elles-mêmes 20 ans plus tard.

Un roman plus profond qu'il n'y paraît, qui sous le trait de l'humour, évoque les injonctions imposées par la société aux femmes : réussir socialement : faire carrière, être une bonne mère. Puis des thèmes comme la sororité, la parentalité, l'adultère, les violences faites aux femmes qu'elles soient "conjugales" ou dans le travail.

La plume est juste, immersive, on se laisse embarquer jusqu'à l'épilogue arrivé sans que l'on y prête garde en quelque 396 pages. 




PLACE AUX IMMORTELS _ Patrice Quélard

PLACE AUX IMMORTELS

Auteur : Patrice Quélard

Aux éditions PLON _ 378 pages

Au printemps 1915, Léon Cognard, lieutenant de gendarmerie bourlingueur et anticonformiste, quitte sa brigade bretonne pour rejoindre le front de Picardie et prendre le commandement d'une prévôté de division d'infanterie. Sa nouvelle position est des plus délicates entre une bureaucratie tatillonne et l'hostilité légendaire des fantassins à l'égard des gendarmes, ces empêcheurs de tourner en rond considérés comme des planqués.
Lorsqu'il est confronté à un suicide suspect au sein de l'unité dont il doit assurer la police, Léon traite l'affaire avec son opiniâtreté habituelle. Mais celle-ci l'entraîne dans un engrenage qui risque bien de faire trembler la Grande Muette sur ses fondements...
Certains crimes ne doivent-ils pas demeurer impunis ? À la guerre, y a-t-il encore de la place pour l'idéalisme ? Et surtout, quelle valeur reste-t-il à la vérité quand seule compte la victoire ?


Mon avis :


Un roman de Patrice Quélard, c'est d'abord beaucoup d'humanité. Comme pour "Fratricide", l'histoire de Léon Cognard et ses camarades n'y déroge pas.

Force détails vous imprègnent de l'époque et des lieux pour vous accompagner pleinement dans la découverte des personnages : Jouannic, Bellec, Testard, Tanguy et les autres.

Léon Cognard, son nom n'est pas un hasard, frappe fort les esprits et dérange ses supérieurs comme ses subalternes par son anticonformisme. Un "cogne" qui n'applique pas le règlement sans avoir réfléchi d'abord, c'est tout de même hors normes. Jouannic ne vous dira pas le contraire.

Y a-t-il des morts justes en temps de guerre ? Le contexte donne-t-il devoir aux gendarmes de regarder ailleurs lorsqu'une mort est suspecte ? 

« Il est plus désirable de cultiver le respect du bien que le respect de la loi. » – Henry David Thoreau. Épris de justice, Léon aurait pu faire sienne cette maxime.

Les personnages livrés sont justes et captivants, le Bourru Jouannic, le sage greffier Bellec. 

Léon et son acharnement à obtenir vérité et justice pour ceux qui restent, malgré la multitude de morts qui l'entourent, vont lui valoir la haine farouche de la hiérarchie militaire. Il comprend mais ne lâche rien.

Un roman captivant, tendu par une intrigue policière glissée au coeur d'une fresque historique richement documentée. L'histoire d'un destin forgé dans la grande Histoire. Un hommage à tous ces hommes qui ont été les précurseurs de la gendarmerie d'aujourd'hui, chargée de s'assurer que les règles et lois soient appliquées, même juste derrière la ligne de front. 

Léon qui ne manque pas de lucidité, n'hésite pas à se comparer à Don Quichotte. Son fidèle destrier Rossinante, espiègle, au caractère bien trempé comme lui, l'accompagne dans son périple picard et champenois. Son humour désarmorce bien des situations que ses subalternes ne comprennent pas. Il a pourtant gagné leur respect, par ses décisions, ses actes et son acharnement à voir justice rendue. 

Léon, c'est le chevalier blanc de son époque, habité d'un esprit de camaraderie et de corps, idéaliste et ancré dans la réalité pour autant. 

Un personnage juste et sage dont on imagine qu'il essaime dans la gendarmerie d'aujourd'hui qui accorde un prix bien mérité à son histoire.

Ce roman est une vraie belle réussite pour ses informations historiques, la touche d'humour, la force de ses personnages. 

C'est aussi une belle manière de rendre hommage à ceux qui doivent rester immortels dans nos mémoires pour le sacrifice qu'ils ont consenti pour notre liberté. 

Un coup de coeur en ce qui me concerne !



 

LES REVEURS DEFINITIFS _ Camille de Peretti

 Les Rêveurs définitifs

Auteure Camille de Peretti

Aux Editions Calmann-Levy _ 342 pages

Emma est traductrice et habite un petit appartement parisien avec Quentin, son fils de quatorze ans.

Lasse de traduire des bluettes sans intérêt, elle rêve d’écrire un grand roman. Au lieu de quoi, rattrapée par des problèmes d’argent, elle est contrainte d’accepter une mission de conseil chez Kiwi, un géant du web qui veut développer un logiciel de traduction infaillible. Mais participer à cette entreprise, n’est-ce pas contribuer à rendre son métier inutile ? Tandis qu’Emma se débat dans ses contradictions, Quentin, lui, vit des aventures extraordinaires dans les jeux vidéo, et s’imagine en gameur de génie. Jusqu’au jour où il est contacté par une mystérieuse organisation qui veut s’attaquer à Kiwi.

Plongés chacun dans une forme de réalité virtuelle qui risque de les éloigner, mère et fils vont se retrouver réunis dans la « vraie vie » par des enjeux qui les dépassent…

Mêlant savamment fiction et réalité, Camille de Peretti convie ses lecteurs à un voyage ludique, qui questionne la puissance de l’imaginaire, du rêve et finalement de la littérature.



Mon avis :


Camille de Peretti nous offre à nouveau deux portraits de femmes comme dans "Le sang des mirabelles". 

Martine qui a élevé Emmanuelle seule. Emmanuelle, jeune femme restée adulescente, maman de Quentin, adolescent de 14 ans.

Emma et Quentin s'inventent des séquences de vie rêvée avec souvent une imagination débordante pour finalement être rattrapée par une réalité difficile. Les passages entre vies fantasmées et réalité ne sont pas facilement décelables, il faut de la concentration pour s'y retrouver.

Cet amour qui lie parent à enfant n'empêche pas la solitude d'Emma et Quentin qui cohabitent sans vraiment se comprendre.

Ce qui fait la force de ce roman, ce sont les questions presque philosophiques qu'il amène à se poser. Camille de Peretti livre un roman où les thèmes universels de l'amour, la solitude, la réussite, l'évolution de la société sont traités au coeur d'une fiction où elle interpelle le lecteur. Comment rêve-t-on dans un monde où chacun est accroché à son smartphone ? L'intelligence artificielle peut-elle prendre le pas sur l'humain ?

Camille de Peretti est douée pour décrire des destins de femmes candides et courageuses à la fois. Les personnages sont attachants par leur vulnérabilité et leur force conjuguée. 

La plume de l'auteure est touchante. Ce roman m'a capté et dérouté à la fois.




là où chantent les écrevisses _ Delia Owens

 Là où chantent les écrevisses

Auteure Delia Owens

Aux éditions POINTS - format poche 461 pages

Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n'est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
A l'âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l'abandonne à son tour. La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie. Lorsque l'irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même...


Mon avis :

Je ne vais pas révolutionner le monde des lecteurs avec cet avis. Des milliers de lecteurs ont d'ores et déjà dit combien ce roman était un hymne à la nature porté par une héroïne inoubliable.

Cependant lorsque l'on a la chance d'avoir entre les mains un roman qui vous embarque par sa poésie, sa dureté, son humanité, impossible de n'en rien dire !

La couverture a accroché mon regard et je ne m'en suis pas détournée, intriguée par le synopsis. Une gamine livrée à elle-même au coeur de ce qui s'apparente à un bayou, un marais à la faune épanouie qui permet à de pauvres hères de survivre. 

Ce qui frappe c'est d'abord la candeur de Catherine Danielle Clark dont l'espoir s'accroche à un bout de chemin au bord duquel a disparu sa mère un beau matin. Kya n'est pas scolarisée, elle vit dans le marais, collectionne les plumes et coquillages de toutes sortes. Observe avec une admiration sans bornes la nature qui l'entoure. Elle apprend la reproduction, les migrations, le nichage, la vie tout simplement qui constitue son décor.

De temps à autre son monde est troublé par des gamins du village d'à côté qui viennent pêcher, se baigner, jouer à se faire peur en tentant d'approcher la fille du marais comme on la surnomme sans aménité.

Puis l'enfant s'épanouit à son tour pour devenir une bien jolie jeune femme. Pourtant, elle n'est toujours pas accueillie par la communauté locale, pas comprise, jugée incapable de s'adapter à un monde qui ne lui avait pas même entrouvert la porte.

Kya va découvrir la méchanceté, la bêtise du monde bien-pensant où les ouailles vont à l'église mais refusent de tendre la main à une gamine livrée à elle-même. Prompt à juger plutôt qu'à porter secours. Il y eut tout de même l'épicière, Jumping et Mabel pour veiller sur elle.

Ce roman est un hymne à la nature en effet, un polar qui tient en haleine entre suspense et poésie de l'écriture. Un hymne à l'apprentissage hors des sentiers battus, à la volonté viscérale de Kya de s'en sortir malgré l'adversité.

J'ai dévoré ce roman. Kya sera une des héroïnes de mon coeur comme la Marianne de Mme Giebel, des femmes malmenées par la vie dont on n'oublie pas la lumière et la force.

Ne vous privez pas de ce moment hors du temps, de quelque 400 pages si vite avalées qu'on pose le roman à regret.


LES SOEURS DE MONTMORTS _ Jérôme Loubry


 LES SOEURS DE MONTMORTS

Auteur Jérôme Loubry
Aux éditions Calmann-Levy

Novembre 2021. Julien Perrault vient d’être nommé chef de la police de Montmorts, village isolé desservi par une unique route. Alors qu’il s’imaginait atterrir au bout du monde, il découvre un endroit cossu, aux rues d’une propreté immaculée, et équipé d’un système de surveillance dernier cri.
Mais quelque chose détonne dans cette atmosphère trop calme.
Est-ce la silhouette menaçante de la montagne des Morts qui surplombe le village ? Les voix et les superstitions qui hantent les habitants ? Les décès violents qui jalonnent l’histoire des lieux ?

Dans la lignée des Refuges, un thriller stupéfiant à la construction aussi originale qu’habile, qui vous fera douter de vos certitudes à chaque page.
Un nouveau coup de maître !


Mon avis :

Ce roman stupéfiant est un énorme coup de coeur !

Jérôme Loubry, je m'étais promis de ne pas vous laisser me manipuler cette fois ! Je me suis donc refusée à écouter la BO des personnages pour ne pas me laisser embarquer.

Pour un coup de maître, c'est un coup de maître ! 

Je me suis dit qu'après "Les refuges", il ne vous serait pas possible de lier le lecteur à vos personnages sans qu'on s'interroge sur eux ? Julien qui débarque d'une grande ville pour prendre la tête de la police d'un village sans délit, suréquipé pour la tranquillité de tous, va-t-il se poser des questions au sujet de M. De Thionville, si épris de la qualité de vie de ses concitoyens ?

Comment ne pas trembler pour cette bleusaille de journaliste qui naïvement se laisse attirer dans un parking vers une destination méconnue. Comment ne pas entrer dans l'histoire livrée, par une informatrice zélée, en toute bonne foi ? Comment ne pas s'attacher à Sarah, Franck et les autres ? 

Ce village est tellement intrigant ! D'accord, les villageois en d'autres temps ont  commis l'irréparable en jetant des femmes du haut du tertre qui surplombe le village pour sorcellerie. De là à penser que les tertres et la forêt sont hantés par ces âmes meurtries. Que des voix s'en échappent... Pourtant depuis l'arrivée du nouveau maire, rien. 

Julien épluche les dossiers : aucun délit, encore moins de morts violentes mais M. de Thionville ravagé par la perte de son enfant n'est-il pas inquiétant ?

Impossible de vous dire autre chose que lisez ! c'est magistral.

L'auteur nous offre tout ce que l'on peut attendre de meilleur dans un thriller : être embarqué, intrigué, suspicieux, effrayé, assuré d'avoir compris pour mieux être perdu dans la brume des tertres. 

Ce roman est totalement addictif. Le suspense est présent dès l'entrée de Camille dans la voiture d'Élise, son informatrice et quelle apothéose que cette fin !! Monsieur Loubry, c'est tellement réjouissant de se laisser manipuler, bousculer dans ses certitudes et laisser pantois, un NON incrédule soufflé à l'apogée du récit.

Je remercie les Éditions Calmann-Lévy de m'avoir permis cet inoubliable voyage à Montmorts.


D'UNE ILE A L'AUTRE - PATRICK RENOU

 D'UNE ILE A L'AUTRE

Auteur : Patrick RENOU

Aux Editions Presses de la Cité_ 312 pages

Elle se tenait là, pâle, immobile devant l'embarcatère, enveloppée dans un imperméable, comme omme une rose blanche qu'on aurait négligée sous la pluie.

Feuilletant un livre ancien sur les paquebots, devant la boîte verte d’un bouquiniste des quais, Patrick Renou découvre qu’une passagère clandestine, embarquée sur l’Ile-de-France en novembre 1946, donna naissance à sa fille au large des côtes françaises. Profondément ému, il fait alors des recherches, se plonge dans les archives de Cherbourg, de New York, comprend l’histoire extraordinaire de Milena et décide de réinventer ces sept jours de la traversée, où s’est noué le destin de la jeune femme. On entend le saxo de Charlie Parker le soir, on voit Marcel Cerdan sur le ring, les buffets sont dressés jour après jour. On vit ce temps si particulier des traversées transatlantiques qu’épouse à la perfection le rythme de l’écriture du romancier.


Mon avis :


1946, Mina Leneth, jeune Lettone embarque clandestinement sur le paquebot L'Île-de-France. Enceinte, elle veut un monde meilleur pour son enfant à naître. Rien n'y personne ne l'empêchera de poser le pied à New York. 

L'auteur donne à vivre le voyage de Mina Leneth. Elle rêve d'une vie sans peur pour son enfant à naître. Ce qui m'a plu dans ce roman, c'est qu'il émane d'un fait réel pour, au travers de l'écriture au verbe choisi de l'auteur, nous faire vivre au plus profond le ressenti de Mina, l'ambiance du paquebot, la vie des matelots. Les descriptions sont à couper le souffle. 

Un roman à lire à haute voix pour déguster les mots choisis pour décrire ce voyage vers le renouveau, la reconstruction. 

"Les mots sont craintifs, les mots sont sous terre, les mots sont des pierres, du sable, des joyaux, les mots sont des salons, des fenêtres, des façades de maisons, enjambent la rue, l'azur". 

La poésie de l'écriture vous porte sous un ciel orageux, au delà de l'azur, pour goûter la dureté du destin de Mina, ses espoirs, son amour démesuré pour Boyan. Sa volonté farouche de parler de l'indicible pour que sa famille et ses amies vivent encore un peu. Sa certitude absolue que le retour est impossible.

 Une pépite de littérature qui vous embarque, vous ballotte, vous largue sous les yeux de la statue de la liberté, avec l'espoir ténu que Mina pourra s'offrir un nouveau départ dans ce nouveau monde. 

Un roman à découvrir absolument pour l'histoire qu'il livre, la justesse et la poésie de l'écriture de Patrick Renou.

Merci au Comité de lecture Cultura et à Emmanuelle Responsable rayon livres, pour cette belle découverte !


RUE DU RENDEZ-VOUS _ Solène Bakowski

 RUE DU RENDEZ-VOUS

Auteure Solène Bakowski

Aux Editions PLON - 376 pages

Rien ne prédestinait Alice Beausoleil et Marcel Dambre à se rencontrer. Pour que le vieil homme ouvre sa porte à la jeune femme trempée, il aura fallu une grève des transports, un GPS capricieux et un terrible orage.
De leur tête-à-tête inattendu va naître ce qui ressemble à une seconde chance. Un nouveau rendez-vous avec l'existence, peu importe le temps qui reste...
Marcel, quatre-vingt-sept ans, vit rue du Rendez-Vous, reclus dans son atelier de bottier menacé par les bulldozers. Vendeuse en boulangerie, Alice offre son sourire à tous ceux qu'elle croise. En réalité, depuis deux ans, trois mois et quatre jours, en proie à une profonde tristesse, elle s'empêche de vivre.

À mesure que la pluie et les heures s'écoulent, le passé resurgit. Sous l'impulsion de la jeune femme qui l'écoute sans se dévoiler, Marcel raconte la guerre, sa carrière et son amour fou pour sa mère. Et s'il trouvait à son tour la clé pour délivrer Alice de son silence ?


Mon avis :

En lisant l'histoire de Nini, Marcel et d'Alice, j'ai d'abord été triste pour Marcel. Une mère qui vous rejette quoi de plus terrible ?

Seulement voilà, Nini elle n'a pas besoin d'un Kévin pour mettre des paillettes, des plumes et des strass dans sa vie. Elle n'est pas faite pour la campagne de Jean la Jaunisse, c'est tout.

Alors, Marcel dans sa rue du Rendez-vous qui se désertifie, sa boutique qui fait grise mine, embouteillée de milliers de paire de chaussures toute confectionnées sur mesure, mène sa résistance aux bulldozers en refusant de la quitter. Elles portent bien plus que des chaussures les étagères de Marcel, alors lui et son Lucien, ils restent coûte que coûte.

Alors qu'un soir de grève, Alice se laisse guider par son GPS dans cette rue déserte et triste, l'orage frappe et la pousse à cogner à la porte de Marcel. Cette rencontre de deux tristesses, de tonnes de regrets va être salvatrice. 

Marcel raconte, Nini, l'accordéoniste, la danse, le cabaret, l'appartement et son oiseau devin, l'Allemand poète, la petite rousse d'en face. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas triste au fond, jjuste nostalgique et salutaire tant pour Marcel que pour la jeune Alice.

L'auteure avec une délicatesse de dentellière nous embobine dans les rues de Paris dans les années 40, nous accroche le coeur en bandoulière lorsque Marcel raconte Nini, bouscule l'ordre établi : une mère aime son enfant, forcément. Mais toute la poésie et la sensibilité de la plume de Solène Bakowski nous enchaînent au destin de Marcel et de la douce Alice. Il est le grand-père du quartier que l'on ne regardera pas de la même façon demain. L'éboueur croisé souriant au petit  matin en traversant la rue à qui on prêtera un talent inconnu... 

Et puis imaginez un peu le Beausoleil qui frappe l'Ambre, quelle lumière extraordinaire cela produit ! C'est encore là, la poésie de l'écriture de Solène Bakowski qui nous frappe.

La profonde humanité des personnages, la justesse de la narration de l'auteure font de ce roman un petit bonheur de tendresse et d'émotions que l'on quitte à regret Rue du Départ...

Ce roman c'est l'arc-en-ciel après la pluie !

NOS ELLES DEPLOYEES _ Jessie MAGANA


 NOS ELLES DEPLOYEES

Auteure : Jessie Magana

Aux Editions Jean Magnier _ 352 pages

1974
Des femmes, partout dans la rue. Parmi elles, Solange, quinze ans, qui brandit fièrement les pancartes et reprend à pleins poumons les slogans préparés avec sa mère et ses copines du MLF. Elles le sentent, leur lutte est sur le point de faire basculer l’histoire. Demain, les femmes seront libres de choisir. Pourtant, rien n’est simple pour Solange, qui cherche à exister face à ces modèles et se questionne sur ses désirs nouveaux.

2018
Manifs, AG, une chose est certaine, dans les veines
de Sido, la fille de Solange, coule le sang de ses aînées, fières et engagées. À son tour, elle cherche le moyen de faire entendre sa voix... et de trouver sa voie.

Trois générations de femmes veulent révolutionner l’amour, la famille, l’engagement. Une saga féministe bouleversante.


Mon avis : 


Jessie Magana nous propose une vision de l'émancipation de la femme au travers de la destinée de trois générations de femmes. Coco, Solange et enfin Sido.

Coco, dès 1974, se rebelle contre la place laissée aux femmes dans la société. Extravertie et libre à tout jamais, elle va vivre en communauté quitte à donner une liberté totale à Solange qui peine à trouver sa place.

Solange comprend les combats que mène cette mère qu'elle peine a appelée Maman. Toutes ces femmes fortes, indépendantes, qui luttent pacifiquement à qui on oppose les CRS et leurs lacrymogènes, les propos sexistes dans la rue. Tout cela va forger chez Solange la conviction qu'une autre forme de bataille est possible.

Sido peine à comprendre sa mère, elle aussi. Pourtant la jeune femme des années 2000 n'est pas si éloignée de Coco ou de Solange. Les combats sont plus violents, le ressenti tout aussi bouillonnant.

Ce roman est à lire toutes générations confondues et peut ouvrir le dialogue tant parmi les femmes que plus largement dans la société. Il nous montre le chemin parcouru depuis ces années 70 où des avancées notables ont été obtenues sans que toutefois la lutte puisse être abandonnée totalement.

Ce roman nous montre à quel point, les acquis peuvent être fragiles. A quel point, l'engagement dans ses différentes formes peut faire évoluer la société. L'auteure nous conte ces femmes portées par la conviction qu'elles ont droit à l'égalité, la liberté de disposer de leur vie, de choisir leur avenir et de faire évoluer la société dans laquelle elle vive, ici ou ailleurs par leurs combats.

Jessie Magana nous propose un roman qui lève le voile sur des thèmes peu abordés, la liberté sexuelle, d'aimer, de revendiquer des droits, l'homophobie, sans caricaturer les personnages.

Une plume fluide et délicate qui ne permet plus de reposer le roman jusqu'à l'épilogue. Un roman important pour son ouverture sur le dialogue et la page d'histoire qu'il laisse découvrir.

Nos elles déployées, n'est pas uniquement un roman "féministe". C'est un constat d'aujourd'hui, sur plusieurs générations, de ce que les femmes ont dû faire pour obtenir les évolutions fragiles que l'on constate aujourd'hui. 

J'ai une tendresse particulière pour Solange, ses failles, sa retenue. On porte un regard tendre et bienveillant sur les personnages qui évoluent de 1974 à 2018, ancrés dans leurs époques.




RANEE TARA SONIA CHANTAL ANNA _ Mitali Perkins

RANEE TARA SONIA CHANTAL ANNA

Auteure : Mitali PERKINS

Aux éditions Bayard - 344 pages

Des années 1960 aux années 2000, cinq femmes cherchent leur propre voie, entre leur culture indienne et le rêve américain auquel elles aspirent.

Ranee migre avec sa famille du Bengale à New York pour une vie meilleure.
Tara, sa première fille, est admirée par tous, mais se sent obligée de jouer un rôle pour continuer à être aimée.
Sonia, sa cadette, rebelle et engagée, provoque un véritable séisme au sein de la famille lorsqu'elle tombe amoureuse.
Chantal, la fille de Sonia, talentueuse danseuse et athlète, est prise dans une lutte entre ses deux grands-mères et ses origines.
Anna, enfin, reproche à sa mère, Tara, de l'avoir forcée à quitter l'Inde pour les États-Unis et doit trouver sa place à New York.

Le fragile équilibre que les femmes de la famille Das peinent à trouver est chaque jour menacé par des blessures qui mettront des générations à cicatriser...


Mon avis :

Ranee et Rajeev ont quitté Londres pour New York avec l'espoir d'un meilleur avenir.

Le poids des traditions les a accompagné en même temps que leurs deux filles Tara et Sonia. 

Deux jeunes femmes de 17 et 15 ans, très différentes, l'une a besoin d'incarner un personnage pour s'intégrer dans le pays où elle réside, l'autre a besoin des mots pour faire face aux difficultés qu'elle rencontre.

Ce roman est estampillé "adolescent" mais il donne à voir autant aux adultes qu'aux jeunes lecteurs, la difficulté de trouver sa place, de vivre ses rêves, d'être pugnace et résiliant tout à la fois, de se confronter au racisme ordinaire.

J'ai aimé le caractère très différent, bien trempé, de ces cinq femmes même si leurs racines les ont menées à conduire leur vie de manière distincte. Finalement, Ranee a réussi à trouver une place centrale dans la vie de chacune. L'arbre de vie et la statue de la liberté les ont guidés en leur susurant les poèmes de Tagore.

Pour qu'un arbre grandisse, s'épanouisse, il lui faut un terreau adapté, de la lumière et de l'attention. C'est à la lueur d'un terrible drame que Ranee s'est rendu compte que le terrain qui lui avait été offert était favorable à ce qu'elle s'autorise à vivre à New York dans un quartier qu'elle avait d'abord honni.

On s'attache à ces femmes pour leur combativité, leur foi en l'avenir. L'auteure offre un roman feel-good agréable à lire même si parfois la facilité à traverser certains écueils ramène à la fiction. Néanmoins, ce roman choral nous fait traverser les époques, se questionner sur des thèmes universels tels que l'intégration, le deuil, l'amour, le racisme, l'importance des mots pour faire face aux maux, la religion avec délicatesse.

Un roman que l'on ne quitte pas avant l'épilogue, joliment happy-end. 

Je remercie Babelio pour sa proposition de lecture via son Masse Critique et les Éditions Bayard pour cette tendre découverte.

Durant toute ma lecture la musique de Maxime Le Forestier a tinté à mes oreilles "Né quelque part" : "Être né quelque part pour celui qui y est né c'est toujours un hasard..." 


INCONDITIONNELLES - Marlène Charine

INCONDITIONNELLES

Auteure : Marlène Charine

Aux éditions Calmann-Levy - 342 pages

TROIS MÈRES, UNE FLIC ET CETTE QUESTION : QUE MÉRITE CELUI QUI A BRISÉ UN ENFANT ?

« Venez ! Elles sont là ! » La capitaine Silke Valles et son équipe viennent d’investir une maison délabrée sur les hauteurs d’Annecy. Au sous-sol, une des trois fillettes enlevées dix jours auparavant gît, inconsciente, dans une baignoire remplie de glace. Les deux autres sont recroquevillées à côté, terrifiées mais indemnes.


Le ravisseur a été abattu dans l’assaut, l’affaire est donc officiellement close. Et pourtant, insidieusement, d’indice en indice, une interrogation fait son chemin dans l’esprit de la capitaine Valles, mais aussi dans celui de Garance, Cora et Blandine, les mères des trois fillettes : et si ça n’était pas fini ?


Mon avis :

La capitaine Silke Valles est soulagée. Les trois gamines ont été retrouvées vivantes. Le pervers qui les a enlevées durant 7 jours a été abattu. Tout cela fini aussi bien que possible, elles sont vivantes.
Alors pourquoi ce poids sur sa poitrine ?

Trois mères très différentes :

  • Garance, la dentiste, famille de notable sans soucis d'argent, qui envie la relation que son mari a tissée avec sa fille. 
  • Cora, mère célibataire, qui s'efforce de donner le meilleur à la sienne avec des difficultés à joindre les deux bouts.
  • Blandine, mère attentive, couple au bord de la rupture, que le drame ne va pas épargner qui doit surmonter son chagrin pour son fils.

Trois gamines traumatisées que ces mères louves vont protéger de leur mieux. Sam et Romane sont perturbées mais vivantes, Mélie ne survivra pas à son bain prolongé dans l'eau glacée. 

Qui et pourquoi a-t-on infligé de telles horreurs à de petites filles de 8 ans. Pourquoi elles ? Silke ne se résoudra pas à clore l'enquête à la mort de Lerieux. Se peut-il qu'il n'est pas agi seul ? Appelons cela l'instinct. Basile, son coéquipier la met en garde, l'enquête est officiellement close. Alors pas de vague.

Marlène Charline nous propose d'accompagner ces trois mères meurtries. Garance, doute la première de la version officielle. Que peuvent faire ces trois femmes pour protéger leur enfant ? Jusqu'où la haine de l'auteur des faits et l'amour absolu, inconditionnel qu'elles portent à leurs filles les mèneront-elles ?

Le crime peut-il rester impuni ? L'auteure nous fait vivre avec Silke, son enquête pas à pas, les questions, la culpabilité de ces femmes d'avoir failli à protéger leur progéniture, au gré des chapitres rythmés par les différents points de vue. 

On découvre aussi la force qu'il faut à ces familles face à la vraie-fausse empathie des commères qu'on croise tous les jours à l'école, qui se repaissent de l'horreur, "comment va ta fille ?". Le regard des autres pleins de compassion qu'on évite pour ne pas craquer.

Puis il y a Silke. Vous voilà à chercher ce qui la ronge au-delà de ce fait divers glaçant. Tous les personnages féminins sont vibrants. La plume incisive. 

Marlène Charine nous permet de comprendre que le retour à la maison n'est pas tout. Au fil de ce thriller captivant, des thèmes forts sont abordés, la maternité, la vengeance, la réparation, le deuil, l'amitié, la reconstruction. 

Ce thriller est totalement addictif, intense, saisissant pour les questions qu'ils vous imposent. L'épilogue livre une fin inattendue.

Ce roman est un de mes coups de coeur de l'année ! Je remercie Emmanuelle, Responsable du rayon livres de Cultura, de me l'avoir offert. 





 

VERS LE SOLEIL - JULIEN SANDREL

 VERS LE SOLEIL

Auteur : Julien Sandrel

Aux éditions Calmann-Levy - 268 pages

14 août 2018. Tess part vers la Toscane, où elle doit rejoindre pour les vacances sa fille Sienna et l’oncle de celle-ci, Sacha. Mais alors qu’elle fait étape chez sa meilleure amie à Gênes, un effroyable grondement ébranle la maison, et tout s’écroule au-dessus d’elle. Une longue portion du pont de Gênes vient de s’effondrer, enfouissant toute la zone. Tess est portée disparue.

Lorsque Sacha apprend la catastrophe, c’est tout leur univers commun qui vole en éclats. Tous leurs mensonges aussi. Car Sacha n’est pas vraiment l’oncle de cette petite fille de neuf ans : il est un acteur, engagé pour jouer ce rôle particulier quelques jours par mois, depuis trois ans. Un rôle qu’il n’a même plus l’impression de jouer tant il s’est attaché à Sienna et à sa mère. Alors que de dangereux secrets refont surface, Sacha sait qu’il n’a que quelques heures pour décider ce qu’il veut faire si Tess ne sort pas vivante des décombres : perdre pour toujours cette enfant avec laquelle il n’a aucun lien légal… ou écouter son coeur et s’enfuir avec elle pour de bon ?

En attendant, il décide de cacher la vérité à la petite fille, et de la protéger coûte que coûte..


Mon Avis :


Julien Sandrel, une nouvelle fois, nous offre une histoire délicate, fine comme de la dentelle de Calais.

De Londres en passant par Paris, Gênes ou Venise, on découvre l'histoire de Tess, Sienna, Sacha, Francesca, Chiara et bien d'autres. Un voyage en Italie, avec des yeux d'enfants, qui vous embarque des jardins de Nikki de St Phalle à la place Saint-Marco.

L'auteur, avec un talent qui ne se dément pas, nous embarque, nous ballote au gré d'un drame brutal, des émotions qui en découle, pour nous laisser finalement entrevoir la lumière, mais que de péripéties à vivre. On vibre avec Sacha et Francesca. 

D'une écriture délicate, il tisse une histoire d'amour peu ordinaire entre une petite fleur, un comédien et une femme meurtrie qui s'autorise à nouveau à ouvrir son coeur.

L'auteur nous offre un bouquet d'émotions à vivre lorsque le pont Morandi s'effondre. Soutenu par un vrai suspense, une fois de plus, l'histoire se déroule sans qu'il soit possible de quitter ces personnages désarmants d'humanité. 

"Come prima, tu me donnes tant de joie". C'est cela un roman de Julien Sandrel, à travers les difficultés de la vie, l'avènement de ce que l'humain peut offrir de plus tendre.

Un joli moment de lecture hors du temps, qui fait du bien à l'âme, plein de poésie, mais qui donne aussi à réfléchir sur des questions intemporelles : l'amour, la filiation, la violence, la différence.

 Julien Sandrel a cette faculté de nous plonger dans les drames les plus sombres pour nous faire vivre des sentiments forts et nous laisser entrevoir l'espoir d'un arc-en-ciel après la pluie.




POUR OUBLIER LA NUIT _ FRANCOISE BOURDON

 Pour oublier la nuit

Auteure : Françoise Bourdon
Aux éditions Calmann-Levy

La jeune et fougueuse Julie vit auprès de son père dans la demeure ancestrale des Ségurat, maîtres faïenciers à Moustiers- Sainte-Marie en Haute-Provence. La perte de sa mère, Livia, lors de l’épidémie de peste de 1720, reste une blessure inguérissable qui se ravive lorsqu’on lui remet, le jour de ses vingt-ans, le récit que celle-ci a laissé de sa courte existence.

Livia, une orpheline, y révèle avoir été manipulée par des aristocrates aixois qui ont fait d’elle l’instrument d’une conspiration diabolique. Elle est parvenue à échapper, à ses bourreaux mais a vécu jusqu’à son dernier souffle dans la crainte de retomber entre leurs mains.

L’intrépide Julie n’a plus qu’une idée en tête, rejoindre Aix-en- Provence pour venger sa mère. Elle ne sait pas encore qu’elle s’attaque à des hommes fortunés et puissants. Elle a cependant des atouts qui ne seront pas de trop : son adresse à
l’escrime et son habileté au pistolet…


Mon avis :


1720, un fléau frappe la Provence, la peste. Un autre, tout aussi dangereux frappe les jeunes gens de la ville d'Aix-en-Provence, quelques aristocrates dépravés. Livia y a laissé sa vie, les deux l'ont frappé. 

Julie est une jeune femme, fougueuse, habile à l'escrime. Elle veut trouver le moyen de venger sa mère. De tout temps, les moins nantis ont souffert de la loi imposée par les plus riches. Alors quand ces derniers s'affranchissent de toutes règles, il ne reste que peu de courageux pour s'interposer. Julie veut être de ceux-là au fil de l'épée, d'autres usent de la plume. Défis tout aussi dangereux l'un que l'autre pour qui a l'arrogance de se croire puissant.

Cette belle association de la plume et de l'épée nous offre un roman historique et romanesque, très agréable à lire. La noblesse des Ségurat, maîtres faïenciers viendra soutenir de leur amour l'indépendante Julie.

Dans des temps où la place de la femme est au foyer, Françoise Bourdon nous dépeint une héroïne farouchement attachée à son libre arbitre. 

Un joli moment de détente dans un univers sombre où la volonté farouche de vengeance d'une jeune femme va bouleverser toute la société.


UNE TOUTE PETITE MINUTE _ Laurence PEYRIN


 UNE TOUTE PETITE MINUTE

Auteure : Laurence Peyrin
Aux Editions Calmann Levy - 484 pages

l a suffi d’une toute petite minute, et la vie de Madeline a basculé.

C’était une nuit de 1995, elle avait 17 ans et fêtait la nouvelle année. Que s’est-il passé dans cette salle de bains où elle s’était enfermée avec sa meilleure amie ? Vingt ans après, Madeline sort de prison. Personne n’a jamais su la vérité sur le drame de cette fameuse nuit. Elle a effectué sa peine jusqu’au dernier jour.

Comment reprendre le cours de cette vie interrompue ?
Parler à des gens qui ne savent pas de quoi on est coupable ?


Renouer avec une petite soeur qu’on n’a pas vue devenir adulte ?
Vivre et y trouver un sens ?

Mad va chercher le bon chemin, pas après pas, dans les dunes des Hamptons, dans les jardins des belles maisons qui l’embauchent, dans les précieux gestes d’entraide. Et grâce à sa mère, au-delà de ses mystères, grâce aussi à Ezra, le cuisinier qui ressemble à un pirate, peut-être Madeline acceptera-t-elle un jour  qu’on puisse l’aimer quand même…


Mon avis :

Avec Madeline, on touche du doigt les rêves d'échappées belles d'une adolescente protégée de Park Avenue à New York. Comme souvent à cet âge, l'amitié est exclusive, les sentiments exacerbés, l'envie de rendre le monde meilleur que celui que les parents proposent bien présente. 

Il suffit donc d'une toute petite minute pour que la vie bascule. Mad refuse tout compromis. Estrella ne brillera plus de cette vitalité qu'elle admirait tant, de cette liberté qu'elle lui enviait. Elle doit payer. 20 ANS.

Comment fait-on pour survivre à un monde carcéral brutal lorsque l'on a bénéficié d'une vie protégée. Lorsqu'une Méphista, directrice de Bedford Hills, où elle est incarcérée, s'offusque que son comportement soit trop parfait ? 

Pour faire face à la violence de cette prison de femmes où les meurtrières sont ses voisines, il y a Dylan. Présent depuis toujours, il est son lien avec la vie d'avant avec Estrella. Le meurtre a eu lieu dans sa salle de bains, un soir de réveillon en 1995. Il ne juge pas, il est présent, l'aide à mener à bien les études qu'elle a décidé de reprendre.

De Bedford Hills à Taconic, durant ces vingt ans, Mad s'efforce de grandir sans heurts avec ses codétenues, de s'échapper en étudiant. Puis elle s'emploiera à devenir Horticultrice et former ensuite d'autres condamnées, comme elle.

Mad doit apprivoiser sa liberté toute nouvelle. Saura-t-elle s'ouvrir à une mère qu'elle ne reconnaît pas ? Apprendre à connaître sa soeur, qui n'était qu'une enfant, lors de son incarcération ? 

Laurence Peyrin nous conte ce moment où tout bascule avec justesse, d'une écriture qui suscite beaucoup d'émotions. Un fait divers, qui comme il se doit nous attrape, nous malmène et nous réconcilie avec la part d'humanité de tout un chacun.

Laurence Peyrin ou l'art de livrer des portraits de femmes, pleins, sincères, humains avec une grande finesse pour nous amener à réfléchir à une époque, à la société, avec délicatesse. 

Vous serez captifs de ce roman addictif, Estrella vous livrera sa fin à l'épilogue. 484 pages pour faire le tour d'une vie à reconstruire et comprendre combien cela peut être difficile de ne pas céder à la facilité, retourner entre les quatre murs d'une cellule où le temps est planifié pour vous, s'ouvrir aux autres, se dire que ce serait possible, que l'on a le droit de vivre sans oublier, jamais.

Parfois, une toute petite minute peut devenir une éternité, sans que l'on puisse rien y changer, sauf à s'autoriser à avancer. 

"Je prendrai dans les yeux d'un ami, ce qu'il a de plus chaud, de plus beau et de plus tendre aussi" Jacques Brel.
C'est exactement ce qu'a réussi l'auteure : prendre le meilleur au coeur du pire pour nous offrir cette rencontre inoubliable avec Madeline, Dylan, Ezra et Estrella !

Merci à Laurence Peyrin et aux Éditions Calmann-Levy pour ce moment de lecture suspendu.