PLACE AUX IMMORTELS _ Patrice Quélard

PLACE AUX IMMORTELS

Auteur : Patrice Quélard

Aux éditions PLON _ 378 pages

Au printemps 1915, Léon Cognard, lieutenant de gendarmerie bourlingueur et anticonformiste, quitte sa brigade bretonne pour rejoindre le front de Picardie et prendre le commandement d'une prévôté de division d'infanterie. Sa nouvelle position est des plus délicates entre une bureaucratie tatillonne et l'hostilité légendaire des fantassins à l'égard des gendarmes, ces empêcheurs de tourner en rond considérés comme des planqués.
Lorsqu'il est confronté à un suicide suspect au sein de l'unité dont il doit assurer la police, Léon traite l'affaire avec son opiniâtreté habituelle. Mais celle-ci l'entraîne dans un engrenage qui risque bien de faire trembler la Grande Muette sur ses fondements...
Certains crimes ne doivent-ils pas demeurer impunis ? À la guerre, y a-t-il encore de la place pour l'idéalisme ? Et surtout, quelle valeur reste-t-il à la vérité quand seule compte la victoire ?


Mon avis :


Un roman de Patrice Quélard, c'est d'abord beaucoup d'humanité. Comme pour "Fratricide", l'histoire de Léon Cognard et ses camarades n'y déroge pas.

Force détails vous imprègnent de l'époque et des lieux pour vous accompagner pleinement dans la découverte des personnages : Jouannic, Bellec, Testard, Tanguy et les autres.

Léon Cognard, son nom n'est pas un hasard, frappe fort les esprits et dérange ses supérieurs comme ses subalternes par son anticonformisme. Un "cogne" qui n'applique pas le règlement sans avoir réfléchi d'abord, c'est tout de même hors normes. Jouannic ne vous dira pas le contraire.

Y a-t-il des morts justes en temps de guerre ? Le contexte donne-t-il devoir aux gendarmes de regarder ailleurs lorsqu'une mort est suspecte ? 

« Il est plus désirable de cultiver le respect du bien que le respect de la loi. » – Henry David Thoreau. Épris de justice, Léon aurait pu faire sienne cette maxime.

Les personnages livrés sont justes et captivants, le Bourru Jouannic, le sage greffier Bellec. 

Léon et son acharnement à obtenir vérité et justice pour ceux qui restent, malgré la multitude de morts qui l'entourent, vont lui valoir la haine farouche de la hiérarchie militaire. Il comprend mais ne lâche rien.

Un roman captivant, tendu par une intrigue policière glissée au coeur d'une fresque historique richement documentée. L'histoire d'un destin forgé dans la grande Histoire. Un hommage à tous ces hommes qui ont été les précurseurs de la gendarmerie d'aujourd'hui, chargée de s'assurer que les règles et lois soient appliquées, même juste derrière la ligne de front. 

Léon qui ne manque pas de lucidité, n'hésite pas à se comparer à Don Quichotte. Son fidèle destrier Rossinante, espiègle, au caractère bien trempé comme lui, l'accompagne dans son périple picard et champenois. Son humour désarmorce bien des situations que ses subalternes ne comprennent pas. Il a pourtant gagné leur respect, par ses décisions, ses actes et son acharnement à voir justice rendue. 

Léon, c'est le chevalier blanc de son époque, habité d'un esprit de camaraderie et de corps, idéaliste et ancré dans la réalité pour autant. 

Un personnage juste et sage dont on imagine qu'il essaime dans la gendarmerie d'aujourd'hui qui accorde un prix bien mérité à son histoire.

Ce roman est une vraie belle réussite pour ses informations historiques, la touche d'humour, la force de ses personnages. 

C'est aussi une belle manière de rendre hommage à ceux qui doivent rester immortels dans nos mémoires pour le sacrifice qu'ils ont consenti pour notre liberté. 

Un coup de coeur en ce qui me concerne !



 

LES REVEURS DEFINITIFS _ Camille de Peretti

 Les Rêveurs définitifs

Auteure Camille de Peretti

Aux Editions Calmann-Levy _ 342 pages

Emma est traductrice et habite un petit appartement parisien avec Quentin, son fils de quatorze ans.

Lasse de traduire des bluettes sans intérêt, elle rêve d’écrire un grand roman. Au lieu de quoi, rattrapée par des problèmes d’argent, elle est contrainte d’accepter une mission de conseil chez Kiwi, un géant du web qui veut développer un logiciel de traduction infaillible. Mais participer à cette entreprise, n’est-ce pas contribuer à rendre son métier inutile ? Tandis qu’Emma se débat dans ses contradictions, Quentin, lui, vit des aventures extraordinaires dans les jeux vidéo, et s’imagine en gameur de génie. Jusqu’au jour où il est contacté par une mystérieuse organisation qui veut s’attaquer à Kiwi.

Plongés chacun dans une forme de réalité virtuelle qui risque de les éloigner, mère et fils vont se retrouver réunis dans la « vraie vie » par des enjeux qui les dépassent…

Mêlant savamment fiction et réalité, Camille de Peretti convie ses lecteurs à un voyage ludique, qui questionne la puissance de l’imaginaire, du rêve et finalement de la littérature.



Mon avis :


Camille de Peretti nous offre à nouveau deux portraits de femmes comme dans "Le sang des mirabelles". 

Martine qui a élevé Emmanuelle seule. Emmanuelle, jeune femme restée adulescente, maman de Quentin, adolescent de 14 ans.

Emma et Quentin s'inventent des séquences de vie rêvée avec souvent une imagination débordante pour finalement être rattrapée par une réalité difficile. Les passages entre vies fantasmées et réalité ne sont pas facilement décelables, il faut de la concentration pour s'y retrouver.

Cet amour qui lie parent à enfant n'empêche pas la solitude d'Emma et Quentin qui cohabitent sans vraiment se comprendre.

Ce qui fait la force de ce roman, ce sont les questions presque philosophiques qu'il amène à se poser. Camille de Peretti livre un roman où les thèmes universels de l'amour, la solitude, la réussite, l'évolution de la société sont traités au coeur d'une fiction où elle interpelle le lecteur. Comment rêve-t-on dans un monde où chacun est accroché à son smartphone ? L'intelligence artificielle peut-elle prendre le pas sur l'humain ?

Camille de Peretti est douée pour décrire des destins de femmes candides et courageuses à la fois. Les personnages sont attachants par leur vulnérabilité et leur force conjuguée. 

La plume de l'auteure est touchante. Ce roman m'a capté et dérouté à la fois.




là où chantent les écrevisses _ Delia Owens

 Là où chantent les écrevisses

Auteure Delia Owens

Aux éditions POINTS - format poche 461 pages

Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n'est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
A l'âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l'abandonne à son tour. La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie. Lorsque l'irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même...


Mon avis :

Je ne vais pas révolutionner le monde des lecteurs avec cet avis. Des milliers de lecteurs ont d'ores et déjà dit combien ce roman était un hymne à la nature porté par une héroïne inoubliable.

Cependant lorsque l'on a la chance d'avoir entre les mains un roman qui vous embarque par sa poésie, sa dureté, son humanité, impossible de n'en rien dire !

La couverture a accroché mon regard et je ne m'en suis pas détournée, intriguée par le synopsis. Une gamine livrée à elle-même au coeur de ce qui s'apparente à un bayou, un marais à la faune épanouie qui permet à de pauvres hères de survivre. 

Ce qui frappe c'est d'abord la candeur de Catherine Danielle Clark dont l'espoir s'accroche à un bout de chemin au bord duquel a disparu sa mère un beau matin. Kya n'est pas scolarisée, elle vit dans le marais, collectionne les plumes et coquillages de toutes sortes. Observe avec une admiration sans bornes la nature qui l'entoure. Elle apprend la reproduction, les migrations, le nichage, la vie tout simplement qui constitue son décor.

De temps à autre son monde est troublé par des gamins du village d'à côté qui viennent pêcher, se baigner, jouer à se faire peur en tentant d'approcher la fille du marais comme on la surnomme sans aménité.

Puis l'enfant s'épanouit à son tour pour devenir une bien jolie jeune femme. Pourtant, elle n'est toujours pas accueillie par la communauté locale, pas comprise, jugée incapable de s'adapter à un monde qui ne lui avait pas même entrouvert la porte.

Kya va découvrir la méchanceté, la bêtise du monde bien-pensant où les ouailles vont à l'église mais refusent de tendre la main à une gamine livrée à elle-même. Prompt à juger plutôt qu'à porter secours. Il y eut tout de même l'épicière, Jumping et Mabel pour veiller sur elle.

Ce roman est un hymne à la nature en effet, un polar qui tient en haleine entre suspense et poésie de l'écriture. Un hymne à l'apprentissage hors des sentiers battus, à la volonté viscérale de Kya de s'en sortir malgré l'adversité.

J'ai dévoré ce roman. Kya sera une des héroïnes de mon coeur comme la Marianne de Mme Giebel, des femmes malmenées par la vie dont on n'oublie pas la lumière et la force.

Ne vous privez pas de ce moment hors du temps, de quelque 400 pages si vite avalées qu'on pose le roman à regret.


LES SOEURS DE MONTMORTS _ Jérôme Loubry


 LES SOEURS DE MONTMORTS

Auteur Jérôme Loubry
Aux éditions Calmann-Levy

Novembre 2021. Julien Perrault vient d’être nommé chef de la police de Montmorts, village isolé desservi par une unique route. Alors qu’il s’imaginait atterrir au bout du monde, il découvre un endroit cossu, aux rues d’une propreté immaculée, et équipé d’un système de surveillance dernier cri.
Mais quelque chose détonne dans cette atmosphère trop calme.
Est-ce la silhouette menaçante de la montagne des Morts qui surplombe le village ? Les voix et les superstitions qui hantent les habitants ? Les décès violents qui jalonnent l’histoire des lieux ?

Dans la lignée des Refuges, un thriller stupéfiant à la construction aussi originale qu’habile, qui vous fera douter de vos certitudes à chaque page.
Un nouveau coup de maître !


Mon avis :

Ce roman stupéfiant est un énorme coup de coeur !

Jérôme Loubry, je m'étais promis de ne pas vous laisser me manipuler cette fois ! Je me suis donc refusée à écouter la BO des personnages pour ne pas me laisser embarquer.

Pour un coup de maître, c'est un coup de maître ! 

Je me suis dit qu'après "Les refuges", il ne vous serait pas possible de lier le lecteur à vos personnages sans qu'on s'interroge sur eux ? Julien qui débarque d'une grande ville pour prendre la tête de la police d'un village sans délit, suréquipé pour la tranquillité de tous, va-t-il se poser des questions au sujet de M. De Thionville, si épris de la qualité de vie de ses concitoyens ?

Comment ne pas trembler pour cette bleusaille de journaliste qui naïvement se laisse attirer dans un parking vers une destination méconnue. Comment ne pas entrer dans l'histoire livrée, par une informatrice zélée, en toute bonne foi ? Comment ne pas s'attacher à Sarah, Franck et les autres ? 

Ce village est tellement intrigant ! D'accord, les villageois en d'autres temps ont  commis l'irréparable en jetant des femmes du haut du tertre qui surplombe le village pour sorcellerie. De là à penser que les tertres et la forêt sont hantés par ces âmes meurtries. Que des voix s'en échappent... Pourtant depuis l'arrivée du nouveau maire, rien. 

Julien épluche les dossiers : aucun délit, encore moins de morts violentes mais M. de Thionville ravagé par la perte de son enfant n'est-il pas inquiétant ?

Impossible de vous dire autre chose que lisez ! c'est magistral.

L'auteur nous offre tout ce que l'on peut attendre de meilleur dans un thriller : être embarqué, intrigué, suspicieux, effrayé, assuré d'avoir compris pour mieux être perdu dans la brume des tertres. 

Ce roman est totalement addictif. Le suspense est présent dès l'entrée de Camille dans la voiture d'Élise, son informatrice et quelle apothéose que cette fin !! Monsieur Loubry, c'est tellement réjouissant de se laisser manipuler, bousculer dans ses certitudes et laisser pantois, un NON incrédule soufflé à l'apogée du récit.

Je remercie les Éditions Calmann-Lévy de m'avoir permis cet inoubliable voyage à Montmorts.