LE SENS DE NOS PAS _ CLAIRE NORTON

 LE SENS DE NOS PAS

Autrice : Claire NORTON

Editions Robert LAFFONT - 456 pages 

Auguste a « son » banc, dans un joli parc du Vésinet.
Celui où, tant de fois, il est venu s’asseoir avec Jeanne, son grand amour. Depuis la mort de cette dernière, il continue d’y venir chaque jour se souvenir des belles choses... Cet après-midi-là, c’est accablé qu’Auguste s’assied : il vient d’apprendre coup sur coup que sa belle-fille et son fils s’apprêtent à le placer en maison de retraite, et qu’il est atteint d’un mal incurable qui ne lui laisse que quelques mois à vivre.
Échouée à l’autre bout du banc, Philomène, quinze ans, est tout aussi désemparée. Fille unique, elle vient de perdre sa mère dans un accident de voiture et a rompu toute communication avec son père, qu’elle accuse de lui cacher la véritable cause de cet accident : un suicide.
Leur seule issue, cet après-midi-là : s’enfuir. Auguste parce qu’il refuse de passer le peu de temps qu’il lui reste enfermé et passif. Philomène parce qu’elle ne pourra pas faire son deuil tant qu’elle n’aura pas résolu le mystère de la mort de sa mère.
Également désemparé, Auguste n’a aucune envie de s’encombrer de cette gamine. Pourtant, et contre toute attente, la quête que vont entreprendre ensemble le vieil homme et la jeune fille se révélera le plus précieux cadeau que la vie pouvait leur réserver...


Mon avis :


Un roman bouleversant devant les questions de la transmission, du deuil, de la fin de vie, de l'amour, du pardon.

L'autrice nous propose une rencontre intergénérationnelle pour nous mener à réfléchir sur ces questions que nous nous posons parfois : "que vais-je faire de ma vie" et plus tard "qu'ai-je fait de ma vie ?". Quel est le bon chemin ? Puis-je corriger mes erreurs ?

Auguste et Philomène, l'un à l'apogée de sa vie, l'autre à l'aube, deux générations face au deuil. Une rencontre improbable qui nous donne à découvrir des personnages secondaires, Simon le fils d'Auguste, Benoît le père de Philomène, Aurore rencontrée sur le chemin de la vérité de Philomène, Paul l'ami d'enfance d'Auguste, tous vont faire ce travail de résilience et d'abandon du passé pour trouver leur voie dans l'avenir. 

Claire Norton distille énormément d'émotions au fil des chapitres et pose la question : et vous, feriez-vous le choix d'Auguste ? La loi Claeys-Leonetti suffit-elle à répondre à la détresse de ceux qui n'ont plus d'avenir ? Il m'a semblé que les histoires secondaires s'imbriquaient un peu trop parfaitement à celle d'Auguste et Philomène, que certains dialogues entre père et fils faisaient un peu trop la part belle à l'happy end. La compréhension du choix de ses aînés n'est pas toujours aussi aisée en la circonstance.

Ce roman est délicat tant par les sujets traités, que par l'écriture pétrie de tendresse pour Auguste et son phénomène. On sourit et on pleure beaucoup devant l'amour qui se dégage de la rencontre entre ces deux-là. Auguste le dit justement on traite nos aînés comme les enfants avec l'idée qu'ils ne peuvent être capables de choisir le sens de leur pas seul. Alors, être utile une dernière fois aura éclairé sa destinée.

Je garde le conseil d'Auguste : "restez curieux, ouvert aux autres, permet de rester jeune" et probablement de trouver le chemin de l'amour et du partage.

Je remercie Babelio qui m'a privilégié en me faisant découvrir ce roman et les éditions Robert Laffont pour avoir édité un roman aussi fort.


UN LONG. SI LONG APRES-MIDI _ INGA VESPER

 UN LONG.SI LONG APRES-MIDI

Autrice INGA VESPER

Aux Editions De la Martinière - 408 pages

Dans un quartier riche et ensoleillé de Los Angeles, tout semble parfait. Mais la perfection n’existe pas, et là où il y a soleil, il y a ombre.
Secrets et tragédies se cachent à chaque coin de rue.
Dans une veine qui rappelle La Couleur des sentiments ou Desperate Housewives, Un long, si long après-midi est un premier roman époustouflant au coeur d’une Amérique asphyxiée par son sexisme et son racisme ordinaires.
« Hier, j’ai embrassé mon mari pour la dernière fois. Il ne le sait pas, bien-sûr. Pas encore. En réalité, j’ai du mal à y croire moi-même. Pourtant, quand je me suis réveillée ce matin, j’ai su que c’était vrai. »
C’est l’été 1959, les pelouses bien taillées de Sunnylakes, en Californie, cuisent sous le soleil. Dans la chaleur étouffante d’une trop longue après-midi, Joyce, une mère de famille comme on en rencontre dans les belles histoires du rêve américain, s’ennuie. Ses enfants crient, son mari va bientôt rentrer, les minutes rampent comme des limaces.
C’est l’été 1959 et Ruby, la femme de ménage de Joyce, rejoint la maison où elle doit effectuer ses dernières heures de travail de la journée. Mais Joyce a disparu et ne subsiste plus dans la cuisine qu’une mince tâche de sang sur le sol.

C’est l’été 1959 et quand on suspecte un crime, la femme de ménage noire et célibataire est toujours la meilleure des suspectes. Le fusible à faire sauter pour éviter que n’explose le grand miroir des faux semblants. Si ce n’est que Ruby a décidé de se saisir de son propre sort. L’émancipation féminine et raciale n’est pas encore à la mode, mais elle est déterminée à faire entendre sa voix. 


Mon avis


Roseview Drive a quelque chose de Wisteria Lane, des jardins entretenus, des femmes au foyer flanquées de mari laborieux pour prendre soin d'elle. Elles ont tout pour être heureuse, une bonne noire, des enfants à élever, un pavillon au calme dans une banlieue loin des ghettos dont sont issues leurs domesticités.

Pure fiction que ce besoin d'émancipation féminine, à la fin des années 50, dans une Amérique où les noirs témoins de violence deviennent les suspects des crimes commis ? En tout cas, cette enquête menée tambour battant nous plonge dans la sempiternelle question : doit-on se mêler d'affaires qui ne sont pas les nôtres pour assouvir un sentiment de justice quand votre couleur de peau peut vous amener tout droit à prendre la place du suspect ?

Fil rouge de cette intrigue, la voix de Joyce distille des informations sur sa vie, ses choix, ceux que la société lui impose.

Inga Vesper nous propose un premier roman, au coeur d'une enquête haletante, qui même s'il y a des invraisemblances nous amène à découvrir les déboires et aspirations de Ruby, Joyce, Deena jusqu'à l'épilogue. Le duo, flic hors des clous et bonne noire intelligente, deux personnages centraux, singulièrement humains avec leurs fêlures et leurs aspirations à voir une société plus juste advenir est parfois un peu caricatural, mais il serait agréable de le voir évoluer dans une suite à venir.

L'autrice nous conte le quotidien des femmes de cette époque. Y-a-t-il une barrière entre les "blanches et les noires" ? Pas dans les quatre murs de la maison de Joyce qui comprend parfaitement les aspirations et les blessures de Ruby. Pourtant, rien ne doit transpirer. Tout est faux-semblant et bien-pensance à Sunnylakes.

Un roman qui nous montre le chemin parcouru et celui qui reste à conquérir pour les femmes de quelques horizons qu'elles soient.

Un très bon moment de lecture. Je remercie Babelio et les Éditions de la Martinière de m'avoir permis de découvrir l'écriture fluide d'Inga Vesper.


 


MERCI, GRAZIE, THANK YOU _ JULIEN SANDREL

MERCI, GRAZIE, THANK YOU

Auteur : Julien SANDREL

Aux Editions Calmann-Levy

Il n’est jamais trop tard pour dire merci


Gina, charmante vieille dame d’origine italienne qui mène une existence modeste à Paris, a un péché mignon que tout le monde ignore : elle va chaque mois jouer aux machines à sous. Et voilà qu’un jour, elle gagne…


Aussitôt, Gina prend une folle décision : cet argent, elle va le partager avec chacune des personnes qui ont joué un rôle dans sa vie et qu’elle n’a jamais pu remercier. Alors sans rien révéler à quiconque de son gain ni de ses intentions, Gina s’envole sur les traces de son passé…


Lorsque sa petite-fille Chloé découvre la « fugue » de sa grand–mère adorée vers New York, elle décide de partir à sa recherche, accompagnée, à son corps défendant, par la très loufoque et envahissante meilleure amie de Gina qui a le don pour les mettre dans des situations impossibles.


Commence alors pour les trois femmes un voyage riche en émotions fortes, entre fous rires et larmes, entre gratitude et transmission, rythmé par les secrets de Gina et les soubresauts d’une Histoire pas si lointaine...
Toute la puissance d’émotion de Julien Sandrel.
 


Mon avis :


Julien Sandrel a la faculté de nous entraîner dans des histoires à l'intrigue menée tambour battant, chargées d'émotions, pleines d'humanité, peuplées de personnages aux caractères bien trempés.

Ce roman n'y déroge pas. Gina est de ces personnages qui prennent vie, vous embobinent dans sa joie de vivre, pour cautériser ses plaies.

Elle est persuadée qu'elle ne survivra pas longtemps à son gain, selon la prédiction d'une diseuse de bonne aventure, tout doit donc aller très vite.

Alors que vous vous attendez à lire un roman feel-good qui ne vous encombrera pas la mémoire, vous êtes happés par la profondeur sous-jacente à cette histoire délicieusement acidulée, l'auteur vous embarque d'abord dans la quête des origines de Gina au coeur à Ellis Island. On y apprend le sort réservé aux migrants venus d'Italie et d'ailleurs, un Babel où la misère est exploitée où la simple humanité est niée aux arrivants rebaptisés, pour les plus chanceux, qui auront droit de fouler le sol de New York. C'est ainsi que Gina devient Virginie.

La plume délicate et tendre de Julien Sandrel essaime des touches d'humour pour aborder l'amour, l'amitié, la filiation, la maternité, l'homosexualité, la transmission, avec délicatesse, en nous offrant des personnages touchants, vrais, avec leurs fêlures, leurs peurs, leurs secrets. Nos peurs sont-elles transmises aux générations à venir dans nos familles ? 

Tant de questions de fond sont abordées dans ce roman sans qu'on y prenne garde, c'est là le talent de Julien Sandrel : nous offrir une histoire douce, pleine de rebondissements, qui nous donne à réfléchir, si on choisit de le faire.

On peut simplement choisir d'accompagner Gina avec bienveillance dans cette fiction. Mais son histoire rencontre celles de bien des lecteurs parce qu'elle fait écho à la grande Histoire, cela fait toute la différence. On traverse le récit tantôt les zygomatiques en position haute, tantôt les larmes aux yeux, c'est cela un roman de Julien Sandrel.

Merci pour ce joli moment de lecture.








LE BONHEUR EST AU FOND DES VALLEES _ Geneviève SENGER

 LE BONHEUR EST AU FOND DES VALLEES

Geneviève SENGER

Aux Editions Calmann-Levy - 320 pages

Le souffle d'une grande saga entre les tempêtes de l'Histoire et la douceur du Quercy. 

Fortune faite en Amérique, Josef Bear décide, en cette année 1900, de retourner en Europe, accompagné de sa benjamine, Marigold, pour y jouir d'une retraite bien méritée. 

C'est en France qu'il s'installe, sur les bords du Lot, la région d'origine de la famille qui l'a recueilli lorsqu'il a débarqué encore enfant aux Etats-Unis.

Alors que Marigold, peu sensible au charme de la campagne, cède aux sirènes de la vie parisienne et s'éprend d'un peintre de Montmartre, Josef se passionne pour le moulin abandonné de son domaine dont il relance la production d'huile de noix. L'estime dont l'entourent les villageois ne suffit pourtant pas à apaiser la conscience du vieil homme. Josef Bear sait que son secret, enfoui dans son enfance, bouleversera le destin de sa fille lorsqu'elle l'apprendra...


Mon avis :

Dans cette vallée paisible entre Lot et Quercy, Joseph se découvre une passion pour un vieux moulin qu'il souhaite réhabiliter.

Sera-ce la seule chose à réhabiliter ? Joseph est un homme usé moins par l'âge que par la culpabilité qui lui ronge l'estomac. Il aimerait établir sa benjamine dans une maison paisible au bord du Lot alors qu'elle ne rêve que de fêtes et de Paris. Un mariage pour quitter ce monde apaisé.

Marigold n'est pas écervelée; Elle se laisse pourtant entraîner dans le tourbillon des bals et autres guinguettes montmartroises, se laisse griser et délaisse son vieux père pour Paris et son effervescence.

Geneviève Senger nous brosse le portrait d'une France tranquille où Joseph cherche à devenir le Jean Valjean d'une contrée retirée des conflits intérieurs qu'il se livre et de celui qui frappe la France, une nouvelle fois. C'est ce vers quoi tend Joseph Bear.

L'autrice nous livre une saga familiale aux personnages bien trempés. Dans l'écrin de cette vallée tranquille, les non-dits familiaux, l'amitié, l'amour, le pardon sont évoqués avec délicatesse.

Une plongée dans la vie d'hommes et de femmes aux destins bousculés par l'Histoire dont l'aspiration est de trouver la paix et la douceur de vivre. Une quête intemporelle qui frappe au cœur.