APRES L'OCEAN _ Laurence Peyrin


 APRES L'OCEAN

Autrice Laurence Peyrin

Aux Editions Calmann-Levy _ 486 pages

En ce printemps 1912, parmi d’autres naufragés hagards tirés de l’océan, Letta Alistair, 24 ans,
 serre contre elle sa petite soeur Molly en regardant approcher la statue de la Liberté. Elles sont les deux seules survivantes de leur famille, engloutie comme 1491 personnes avec « l’insubmersible » Titanic.

Les soeurs Alistair ont tout perdu. Leur père, Charles, dit le roi de la tourte, célèbre pour ses pâtes brillantes, ses viandes moelleuses mêlées d’oignons caramélisés, avait embarqué famille et biens pour développer son savoir-faire à New York. Letta ne peut même pas s’autoriser le désespoir, car Molly l’inquiète, plongée depuis le drame dans un profond mutisme.

Le naufrage du Titanic est un événement majeur qui secoue toute l’Amérique, et les victimes sont prises en charge, logées à l’hôtel, examinées à l’hôpital. Et après ? Letta va devoir puiser très loin en elle pour survivre dans ce New York qu’elle n’aime pas et qu’elle ne comprend pas. Et se battre pour sauver sa petite soeur bientôt qualifiée de « folle » dans un siècle qui traite mal les fous…

Une atmosphère à la Downton Abbey vue d’Amérique : New York en 1912, la fin flamboyante 
d’une époque.


Mon avis : 

Laurence Peyrin n'a pas son pareil pour brosser des portraits de femmes.

L'anniversaire du naufrage du Titanic est une source insoupçonnée pour parler du sort des femmes de l'époque. Letta a perdu ses parents et son époux, sa petite soeur Molly souffre d'un choc posttraumatique qui lui impose le silence. 

Letta ne veut rien devoir à personne. Elle doit pourtant son salut à deux soeurs, l'une, oeuvrant pour l'Armée du Salut, pour lui avoir donné un toit, l'autre pour l'avoir engagé dans sa pharmacie aux vendeuses si particulières, mais parfois l'enfer est pavé de bonnes intentions. Molly, traumatisée, ne leur a pas permis de prendre le bateau de retour vers Portsmouth, il a donc fallu se résoudre à rester et faire en sorte que Molly soit sage pendant ses absences avec un peu de laudanum.

Letta ne veut pas dépendre de ce fils de famille qui tient tant à les prendre en charge Molly et elle. Deuil, résilience, amitié, différence, abnégation, amour, folie, des thèmes abordés sans détour pour dépeindre une époque et un pays où le rêve est à portée de mains pour qui sait se battre pour le transformer en réalité.

L'autrice nous offre des personnages romanesques, lumineux, vibrants d'émotions. L'histoire triste et belle de "la rescapée, l'estropiée, le candide et la muette", ces personnages troublants d'humanité et de candeur pas tout à fait perdue, pas totalement retrouvée, ils vivent en nous désormais grâce à la force de sa plume.

Ses romans ancrés dans l'Histoire pour asseoir le caractère de femmes toujours debout face à l'adversité, c'est la signature de l'autrice. Laurence Peyrin n'a pas son pareil pour nous glisser dans la peau de ses personnages féminins, nous faire découvrir une époque, ces pratiques, toujours documentées en égrenant les écueils qu'elles doivent surmonter.

Laurence Peyrin, c'est d'abord un regard aiguisé sur le monde, une émotion à fleur de pages, une force insufflée à toutes ces femmes "ordinaires" qui ont pris vie sous sa plume, fluide, vibrante, pour devenir des modèles de force et d'abnégation, et instiller l'espoir d'un avenir meilleur.




LEONIE _ Marlène Charine

LEONIE

Autrice Marlène Charine

Aux Editions Calmann-Levy - 414 pages

UNE JEUNE FILLE SÉQUESTRÉE DANS UNE MAISON,
UN FLIC PRISONNIER DE SON PROPRE CORPS,
CHACUN EST PEUT-ÊTRE LA CHANCE DE L’AUTRE...


Chaque matin, derrière la lourde porte rouge et sa série de verrous, Léonie attend Raymond. Et ce depuis 5 ans, 11 mois et 30 jours.
Raymond a kidnappé la jeune fille à la sortie d’une soirée, peu avant son bac. Depuis, Léonie vit à l’étage de sa maison, la cheville enserrée dans un bracelet métallique.
Mais ce matin, Raymond s’écroule. Crise cardiaque. Pour Léonie, c’est la panique. Toujours sous l’emprise mentale de Raymond, elle est incapable de sortir. Et si personne ne la croyait ? Et si tout le monde l’avait oubliée ? La voilà dans une maison isolée, seule avec un cadavre. Libre, mais pas libre.
Dans une clinique de la ville voisine, Diane lit à son frère, un excellent flic brisé par un accident de parapente, les dossiers qu’il aurait voulu résoudre, et notamment celui de la disparition de Léonie.
C’est alors qu’un corps est retrouvé dans la forêt...


Mon avis :


Marlène Charine nous conte les vies parallèles de Léonie, séquestrée par Raymond, quinquagénaire élégant et discret et de Diane suspendue aux progrès de son jeune frère en convalescence après un grave accident de parapente.

Un fait divers, la disparition d'une jeune fille alors qu'elle quittait la soirée entamée avec des amis, 5 ans et quelques plus tôt, aurait dû échoir à Loïc et son collègue Jonas. Seulement un accident de parapente en décide autrement.

L'autrice tire son fil d'Ariane dans le dédale des peurs ancrées de Léonie et de celles cachées de Diane. Deux jeunes femmes meurtries et fortes qui décident de reprendre leur destin en main, chacune à sa façon.

Ces protagonistes prisonnières du passé se battent pour écrire un avenir hors du commun. L'autrice instille le doute, distend le fil pour vous perdre mais l'histoire est très construite et lorsque l'on retrouve son chemin, c'est pour pleurer sur ces destins brisés et sourire aux ressorts imaginés, un peu ubuesques parfois, pour aider à colorer la vie de Léonie après toute cette noirceur.

Ce thriller très réussi nous amène à toucher du doigt la psychologie du ravisseur, celles des policiers en charge de l'enquête et bien entendu la force mentale de Léonie, lorsqu'elle choisit de regarder mourir Raymond, de lentement se libérer de ses chaînes pour s'affranchir de la vie qu'elle a été contrainte de laisser en suspens pour s'en créer une nouvelle.

Marlène Charine est une fine portraitiste du féminin noir à chaque roman renouvelé.