dimanche 25 mai 2025

AU CABARET DES OISEAUX ET DES SONGES de Eric Poindron


 AU CABARET DES OISEAUX

ET DES SONGES

Auteur : Eric POINDRON

Aux Éditions LE PASSEUR

Une réflexion vagabonde et un "roman d`escapades" par " un fou de mots et de poésie " campant aux frontières du rêve et de la fantaisie." Je suis un casanier qui a la bougeotte ; je marche donc je suis. Je suis sur la trace de mes traces. " La question reste entière : qu`est-ce qu`un voyage ?
Voilà ce que nous sommes, des enfants, un peu robinsons, un peu " bandits ", découvrant perplexes le monde et émerveillés par l`estran. Nous revenons du voyage chargé de rencontres foudroyantes parfois, d`émotions essentielles (le froid, le mal, la lumière) et de phrases à fabriquer. Dans ces phrases, il faut essayer d`offrir à l`autre cette précieuse récolte. C`est à la fois une ambition et une obsession. Le moindre chemin possède un rythme cardiaque et son histoire à raconter. Alors celui qui s`en approche endosse parfois le costume du scribe ou du confesseur. Ainsi, sous forme de confessions et de fictions entremêlées, dans des textes courts et percutants, Éric Poindron nous emmène en voyage : dans l`enfance, en Europe, sur les chemins buissonniers, dans sa bibliothèque, chez les écrivains voyageurs et à travers les siècles. L`auteur du livre Le Voyageur inachevé sait qu`un voyage est toujours inachevé. Aussi, inachevons-nous les uns les autres.


Mon Avis :


Eric Poindron est de ces auteurs que l'on imagine à la veillée vous conter ses rêves mélancoliques émerveillés.

Un peu Méliès, magicien des images qu'il vous souffle à l'âme, un peu Charlot pour dire avec tendresse et détermination la brutalité du monde, un peu écumeur de chemins pour les rencontres offertes, un peu Magicien d'Oz pour tracer un chemin poétique,  vers une destination inconnue : l'avenir.

L'auteur nous offre une déambulation dans sa vie d'homme né poète absolument. Ses amitiés forgées de rencontres avec les fantômes qu'il aurait aimé rencontrés, celles bien ancrées qui accompagnent son récit d'agapes épicuriennes, de petits riens qui font tout.

Ce récit truffé de références littéraires, de personnages célèbres ou anonymes, n'est pas facile mais il est tellement doux de se glisser dans ses pages, de sourire, de soupirer au tragique perte que la vie nous inflige, d'espérer que les amis de trente ans qui vous suivent auront ses mots pour dire le manque, les souvenirs. Ne croyez pas lecteur, que ce livre est triste, impossible, parce que certaines scènes sont affabulées, fantasmées, en réalité les mots sont touchants du réel à la magie.

Ce roman est un voyage intérieur à la recherche de l'enfant qui sommeille en nous. Magique et complexe, il faut s’y plonger et se laisser emporter, au creux des mots choisis par l’auteur, pour une déambulation nostalgico-heureuse.

Eric Poindron nous embarque dans un voyage intime à la recherche du temps passé, jamais perdu car empreint d'émerveillement. À sa lecture, une douceur réconfortante s’installe : les souvenirs, parfois teintés de tristesse, souvent embellis d’une magie-nostalgie poétique, loin d’être figés, continuent à nous nourrir et à éclairer tendrement le présent.

Milan Kundera évoque parfaitement ce que me suggère l'errance poétique de l'auteur qui n'a d'autre ambition que de nous offrir une porte vers la poésie qui nous entoure tant auprès de nos amis de coeur perdus, que par la flânerie d'un coeur ouvert : "La vocation de la poésie n'est pas de nous éblouir par une idée surprenante, mais de faire qu'un instant de l'être devienne inoubliable et digne d'une insoutenable nostalgie".

À l’image des sculptures de Catalano, où le voyageur se laisse traverser par les éléments—nuages, lumière, vent—Eric Poindron avance, porté par les rencontres et les songes, chaque instant gravé en lui comme une empreinte fugace du monde.

mardi 13 mai 2025

BIENTOT LES VIVANTS de Amina DAMERDJI_

 

BIENTOT LES VIVANTS

Autrice AMINA DAMERDJI

Aux Éditions Gallimard

« Aïcha courut à travers le village. Ses jambes tremblaient et son cœur battait si fort qu’il semblait vouloir sortir de sa poitrine. Elle connaissait le mot, dhabahine, les égorgeurs. Dhabahine, dhabahine ! »
Algérie, 1988. Après les premières émeutes sauvagement réprimées, le mouvement islamiste montre sa puissance grandissante. La jeune Selma vit dans la proche banlieue d’Alger. Elle n’a qu’une passion, l’équitation, qu’elle pratique dans un centre non loin du village de Sidi Youcef, où se déroulera en 1997 l’un des épisodes les plus atroces de la guerre civile. Elle consacre tout son temps libre au dressage d’un cheval que tout le monde craint, tandis que les déchirements de l’histoire traversent sa famille comme toute la société algérienne : certains sont farouchement opposés aux islamistes, d’autres penchent pour le FIS, d’autres encore profitent du chaos pour s’enrichir… C’est dans ce contexte tragique que Selma apprendra à grandir, trouvant dans la relation avec son cheval et avec la nature un antidote à la violence des hommes. Bien que le martyre du village de Sidi Youcef éclaire d’une lumière terrible les trajectoires des divers personnages, ce roman reste constamment chaleureux et humain.


Mon avis


Plongée dans l'ombre et la lumière de l'Algérie

De 1988 à 1997, l'Algérie traverse une décennie de ténèbres, où la lutte pour le pouvoir oppose le Front Islamiste du Salut, le Groupe Islamique Armé et le régime en place. Dans ce chaos, la violence s'impose, implacable, tissant une toile de peur et d'incertitude parmi les populations.

Selma, fille de médecin, trouve refuge dans une passion : l'équitation. Mais ce n'est pas un simple loisir—sa fascination pour Sheïtane, un cheval maltraité et indomptable, me semble être une métaphore de sa propre lutte face à un monde qui vacille. Entre les déchirures familiales et l'attirance qu'elle éprouve pour Adel, le jeune palefrenier de Sidi Youcef, elle est au cœur des bouleversements de cette Algérie fracturée.

Amina Damerdji donne vie à ses personnages avec une finesse remarquable. Tous sont traversés par une part d'ombre, tiraillés entre la survie, la peur et leurs aspirations profondes. L'autrice tisse une atmosphère immersive où chaque scène oscille entre violence brute, éclats de lumière.

Le contraste est saisissant : dans la forêt, à l’abri du carnage, Selma et Maya assistent à une scène insoutenable. Le massacre d’une famille, l’horreur portée à son paroxysme. Puis, le silence—ce moment suspendu où Adel, le sabre encore ensanglanté, croise le regard de Selma sans un mot, avant de repartir. Ce regard, cet instant, cette hésitation... Une faille dans l’impitoyable mécanique de la guerre, une étincelle d’humanité dans le chaos.

Si la violence est omniprésente, elle n’éclipse pas tout. L’amour, la passion journalistique de Maya et équestre de Selma, la quête de sens, donnent à ces destins une profondeur bouleversante. 

Bientôt les vivants n’est pas seulement un roman sur la guerre, une époque, c’est un texte incandescent où la violence du conflit se mêle aux déchirures intimes, à ces relations marquées par l’amour et la haine, la loyauté et la trahison. À travers des personnages pris dans des choix impossibles—Brahim, médecin contraint de sauver son frère Hisham malgré leur opposition politique ; Adel, tiraillé entre son attirance pour Selma et la distance infranchissable entre leurs mondes—Amina Damerdji capte la complexité de cette dualité avec une écriture à la fois crue et lumineuse.


Si vous souhaitez consulter plus d'avis :

https://68premieresfois.wordpress.com/2025/02/27/bientot-les-vivants-de-amina-damerdji/

ou : https://www.babelio.com/livres/Damerdji-Bientot-les-vivants/1545938






samedi 3 mai 2025

LA DERNIÈRE LISTE DE MABEL de LAURA PEARSON, Une histoire de femmes intergénérationnelle

 

LA DERNIÈRE LISTE DE MABEL

Autrice : Laura Pearson

Aux Éditions de l'Archipel

Il n’est jamais trop tard pour s’ouvrir aux autres... et à soi-même.
À la mort de son mari Arthur, Mabel découvre l’ultime liste qu’il a dressée pour elle. Ou plutôt ce mot énigmatique : Trouver D.
Persuadée qu’il s’agit de Dot, l’amie dont elle était amoureuse soixante ans plus tôt avant d’épouser Arthur, et dont elle est depuis sans nouvelles, Mabel part à sa recherche.
Une quête qui va l’amener à remonter le temps, faire de belles rencontres et, surtout, caresser l’idée qu’il est peut-être encore possible de trouver le bonheur…
Grâce à la magie du bouche-à-oreille, ce roman de femme sur les femmes, original, sensible et émouvant, a conquis le monde anglosaxon, où il s’est vendu à plus de 400 000 exemplaires.
Pour la première fois traduite en français, Laura Pearson est l’autrice de sept romans. Elle vit en Angleterre dans la région de Leicester.


Mon Avis :

Laura Pearson a raison "la vie n’épargne personne", pourtant, il faut avancer, apprendre encore et toujours. Se reconstruire et parfois, regarder en arrière pour comprendre ce qui a été perdu. Le roman nous offre cette confrontation entre générations, entre passé et présent, entre ce que l’on n’a pas osé vivre et ce que l’on peut encore saisir.

Mabel, en rencontrant Erin, se voit peut-être dans un miroir qu’elle n’a jamais osé affronter. Elle comprend cette douleur d’être rejetée pour ce que l’on est, mais à son époque, elle n’a pas eu le courage de risquer le regard des autres. 

À travers une galerie de personnages de différentes générations, Laura Pearson tisse une histoire où les regrets murmurent sous les silences, où les liens se redessinent avec le temps et où l’amour—sous toutes ses formes—reste un combat. Mabel, Erin, Patty, Kirsty, Julie… Ces femmes, si différentes mais malgré tout liées par une quête commune, nous confrontent à une question essentielle : que serait-il advenu si elles avaient choisi autrement ? Une lecture qui interroge autant qu’elle émeut, rappelle que nous sommes la somme de nos choix.

Même si le message de fond de l'histoire que nous propose Laura Pearson est : il n'est jamais trop tard pour s'ouvrir aux autres et à soi-même, je ne classerai pas ce roman dans la catégorie feel-good. Les thèmes abordés sont profond : le deuil, la bienveillance, l'amitié, la sororité, les amours interdits par une société prompte à juger. Cependant, en filigrane de ces thèmes lourds, la note d'humour, la délicatesse de la plume, le ton empreint de gravité nous mène à un épilogue plein d'espoir.

À travers leurs parcours respectifs, chacune de ces femmes découvre qu'il est possible d'avancer, malgré les blessures et les doutes. Liées par cette force nouvelle, elles avancent ensemble, conscientes que leurs histoires—si différentes soient-elles—se rejoignent dans une même quête : celle du droit d’être soi, pleinement et sans concession. Car si la vie impose ses épreuves, elle laisse aussi entrevoir la possibilité d’une renaissance, à condition d’avoir le courage de l’affronter.

Laura Pearson nous rappelle avec finesse que le passé n’est jamais figé, et que chaque regard porté sur lui peut ouvrir une nouvelle porte vers l’avenir.Autorisons-nous à rêver en grand, la vie se charge parfois de restreindre le champ de nos possibles sans que nous le voulions.

Vous souhaitez d'autres avis, vous pouvez vous rendre sur le site : https://www.babelio.com/livres/Pearson-La-Derniere-Liste-de-Mabel/1820483

ou sur le site : Livraddict https://www.livraddict.com/biblio/livre/la-derniere-liste-de-mabel.html