UN LOUP QUELQUE PART

 

UN LOUP QUELQUE PART

Auteure Amélie Cordonnier

Aux Editions Flammarion

« Paupières closes coupées au canif, lèvres parfaitement dessinées, l’air imperturbable. Royal même. Au début, elle a cru qu’il lui plaisait, ce petit. Seulement voilà, cinq mois plus tard, elle a changé d’avis. Ça arrive à tout le monde, non ? Elle voudrait le rapporter à la maternité. Qui n’a pas un jour rendu ou renvoyé la chemise, le pantalon, le pull, la ceinture ou les chaussures qu’il venait d’acheter ? »

Que fait cette tache, noire, dans le cou de son bébé ? On dirait qu’elle s’étend, pieds, mains, bras, visage. Mais pourquoi sa peau se met-elle à foncer ? Ce deuxième enfant ne ressemble pas du tout à celui qu’elle attendait. Aucun doute, il y a un loup quelque part.

Avec une écriture aussi moderne qu’acérée, Amélie Cordonnier met en scène une femme paniquée de ne pas réussir à aimer son enfant et dont l’affolement devient de plus en plus inquiétant.


Mon avis :


Amélie Cordonnier a un vrai talent pour parler avec justesse de la vie des femmes bousculées par la vie, de leur fragilité et de leur force.

Une fois de plus, nous voilà plongés dans la tête de cette femme, déjà mère, qui n'aspirait qu'à vivre une vie tranquille, sans difficultés majeures, en apparence.

C'est ainsi que lorsque après avoir accueilli Esther, huit ans plus tôt, elle comprend qu'elle est de nouveau enceinte, sans se réjouir. Vincent est tellement content lui, qu'elle n'a pas le coeur de mettre fin à sa grossesse.

Tout s'est si bien passé la première fois.  Seulement voilà, quelques jours après sa naissance, ce bébé joufflu se met à l'inquiéter. Que se passe-t-il avec Alban, d'où vient cette tâche ?

"Qu'il soit un démon, qu'il soit noir ou blanc, Malheur à celui qui blesse un enfant"

Le loup est lâché dans la bergerie. Est-elle victime ou bourreau, les deux peut-être ? Difficile pour le lecteur de rester insensible à ce qu'elle vit. L'amour maternel est-il inné ou instruit par la famille qui nous a chéris ? 

Amélie Cordonnier nous offre un roman descriptif avec peu de dialogues dans lequel perce l'angoisse, l'urgence, la folie contrôlée de cette mère qui découvre sa propre histoire avec cette naissance.

L'auteure, une fois de plus, bouscule les idées reçues, la société et ses certitudes, avec un roman percutant qui restera en mémoire.





LES COEURS IMPARFAITS

LES COEURS IMPARFAITS

Auteure Gaëlle Pingault

Aux Editions Roman Eyrolles

Barbara, la cinquantaine est sommée de prendre en charge sa mère frappée de sénilité. Elle refuse, ayant peu d'affection pour cette mère qui ne l'a jamais aimée ; elle veut pouvoir vivre sa vie d'universitaire extravagante et libre. Cependant, la nouvelle la touche plus qu'elle n'est prête à le dire, modifiant sa relation à ses amants, à ses étudiants, et même à la lecture, son plus grand plaisir.

Dans le mêm temps, Charles Bodier, médecin fantasque et désabusé de l'EHPAD où est hospitalisée la mère de Barbara, refuse de baisser les bras face à son apparente froideur : il la poursuit de messages décalés, jusqu'à établir le contact. Barbara va découvrir le secret de cette mère distante, et Charles finir par s'avouer la souffrance qui se cache derrière son excentricité.

A l'image de Lise, aide-soignante humaine et dévouée, ils vont ainsi apprendre tous les deux que le soin de soi passe par le soin de l'autre, et réciproquement.


Mon avis :

"Il est où le Bonheur, il est où" Voilà en substance la question que l'on se pose en présence de Charles, Barbara, Rose.

Ces trois personnages tout au long du roman de Gaëlle Pingault déroutent par leur incapacité à comprendre ce qu'ils ont fait de leur vie, à l'heure où l'on se pose la question.

Évidemment, le lieu de leur rencontre n'est pas non plus le siège du Bonheur de manière générale. Entre coupes budgétaires et douleurs variées des corps vieillissant pas de quoi se réjouir. Quand, de plus, vous n'avez pas une affection débordante pour la sénior qui y réside, cela n'aide pas non plus.

Charles a bien tenté une approche singulière pour faire entrer en communication Barbara et Rose mais le fardeau est bien trop lourd à porter pour les deux femmes.

Lise quant a elle "est précédée d'un parfum de gentillesse" qui l'empêche de comprendre ce qui désunit la mère et la fille. 

Un roman doux amer sur le temps qui passe, les choix ou non-choix qui s'imposent à nous. L'auteure décrit l'abnégation des soignants dans ces lieux de fins de vie, les personnages sont simplement humains, on les connaît. L'envie de les prendre dans les bras n'est jamais très loin.

Une plume sensible et juste pour raconter le vieillissement, la maladie mentale, les petites lâchetés du quotidien qui font prendre un chemin moins riant parfois que celui que l'on s'imaginait prendre. L'humain est imparfait mais son coeur peut le mener sur des chemins inattendus, sur le tard.