LE CHANT DES REINES - Sarah Bell


 LE CHANT DES REINES

Autrice Sarah Bell

Aux Editions Calmann-Levy

En Bretagne, le combat d’une femme en quête de renaissance Fanny se consacre corps et âme à la petite ferme apicole qu’elle a reprise dans les environs de Rennes. Entre agriculteurs et néo-ruraux, sa vie pourrait être douce dans ce coin champêtre et convivial si elle ne restait hantée par la disparition de son fils adolescent après le naufrage de son couple.
Alors qu’elle tente de composer avec cette perte insurmontable, Fanny est rattrapée par l’ombre d’un secret…


Mon avis

Ce roman, prix Jeune Talent Jeannine Balland, est ancré dans une Bretagne rurale où Fanny fait le deuil de son métier d’infirmière après la disparition de son fils Diego.

De l’île d’Ouessant aux environs de Rennes, la description d’une Bretagne sauvage, campagnarde, méfiante à l’arrivée des néo-ruraux, accompagne l’histoire de cette femme résiliente face aux drames qui l’ont percuté.

Un hymne à la sororité avec ces femmes d'Ouessant, à l'écoute attentive de la mélancolie de cette femme venue d'ailleurs en recherche de solitude pour se retrouver.

Sarah Bell offre le portrait délicat d’une femme meurtrie qui s’ouvre une nouvelle voie au cœur d’une ferme apicole. Son passé se dévoile à Suzanne, amie et confidente. Sa passion d’un métier du vivant l’oblige à s’investir totalement chaque jour pour la production de miel et de reines des abeilles.

La plume de l’auteure est délicate, sensible, empreinte d’authenticité, pour nous parler de sujets graves sans artifices. Éprise de liberté, Fanny nous embarque jusqu’à l’épilogue dans le torrent d’émotions qui l’habitent.

CREDIT ILLIMITE _ NICOLAS REY

 CREDIT ILLIMITE

Auteur : Nicolas REY

Editeur : Au Diable Vauvert

Diego Lambert n’a plus le choix. Il doit licencier quinze salariés de l’usine de son père s’il ne veut pas finir sur la paille. Mais rien ne va se dérouler comme prévu, jusqu’à l’irréparable.

Dans cette fiction d’une ironie féroce et d’une beauté nouvelle, Nicolas Rey invente le crime parfait !









Mon avis :


Diego Lambert est un adulescent de 49 ans, fauché, endetté jusqu'au cou alors, après avoir usé de toutes les stratégies pour vivre sans travailler, le voici face à son père.


Antonia Lambert lui propose un deal : d'accord pour lui remettre 50 000 euros à la condition qu'il prenne la place d'une DRH en dépression pour faire le sale boulot : virer 15 personnes d'une entreprise du nord de la France dans le giron du groupe créé par son père.


Diego est un dilettante, charmeur, menteur un brin fainéant, sauf pour faire cogiter son cerveau à trouver des subterfuges pour vivre sans travailler. Il n'est pourtant pas l'être totalement amoral que l'on pourrait imaginer. Non. Contraint, il accepte pour l'argent de relever le défi de rencontrer personnellement la quinzaine de salariés désignés pour l'aller simple au chômage. Il va prendre le temps de les écouter, de tenter de comprendre pourquoi il doit les sacrifier. 


Une galerie de personnages touchants, parfois pathétiques que Diego va apprendre à connaître. Un couple fusionnel, un homme que seul le travail fait se lever le matin pour voir les copains, un sale type qui bat sa femme... Tous ont construit une part de l'histoire de l'entreprise pas en si mauvaise posture que cela. Pourquoi dans ce cas sacrifier ces salariés loyaux pour la plupart ?


Diego est un amoureux contrarié. La femme qui occupe toutes ses pensées est sa thérapeute. Il ne peut donc pas se déclarer, d'abord pour cette raison ensuite parce que l'élue de son coeur est mariée. Pourtant il va lui écrire la plus belle déclaration qui soit : "Parce que la vérité, Anne, c'est que vous êtes ma confidente, ma meilleure amie, mon sourire, mon est, mon ouest, mon impératrice et mes incroyables rêves de sieste... Mais je vous aime surtout pour la femme que vous êtes. Pour vos détails. J'adore lorsque vous reculez votre siège et que vous croisez vos jambes, je jubile lorsque vos mains jouent avec vos lunettes, lorsque vous attachez vos cheveux à la fin d'une séance avec une grâce infinie"...


Nicolas Rey nous offre un roman acidulé à souhait entre satire sociale, polar de série B un peu fou, qui vous colle les zygomatiques en position haute. Des chapitres courts, un récit enlevé à l'humour so british et un finish en happy end déconcertant.


Il ne faut pas faire l'économie de s'aventurer dans l'univers inclassable, déjanté de l'auteur qui pose la question intemporelle et universelle : l'argent fait-il le bonheur ? Bien mal acquis ne profite-t-il vraiment jamais ? 

Un petit bonheur de lecture !


 


PURGATOIRE _ CORENTIN MAZERON

 PURGATOIRE

Auteur : Corentin Mazeron

Editions Jets d'Encre

Quand la « petite » histoire d’un Corse exilé à New York au début du XXe siècle devient l’occasion de raconter la grande 11 novembre 1893, Tino Ezzani naît en Corse. Une île qu’il aime par-dessus tout… et qui abrite – il en est convaincu – son premier et seul grand amour : Morgane Bonaparte. Elle a su, en quelques années, marquer son monde comme son glorieux ascendant Napoléon l’a fait avec la France. Du haut de ses 11 ans, il est le plus heureux des garçons. Mais un jour, ses parents lui annoncent leur départ imminent pour l’Amérique. Tino en a le cœur brisé. Il fait une promesse silencieuse à Morgane : celle de revenir et de l’épouser. Il habite désormais à New York, mais n’y vit pas. Il se contente d’errer dans ses rues, hanté par l’ailleurs. Son exil, plus que physique, est devenu mental. Mais, bon gré mal gré, le jeune Corse grandit sur cette île, non pas méditerranéenne mais américaine, sa « petite » histoire se mêlant habilement à la grande... Au travers de tous les bouleversements qui marquent le XXe siècle, Tino pourra-t-il tenir sa promesse d’enfant ? Dans son premier roman, porté par une langue aussi élégante que poétique, Corentin Mazeron se fait historien du néant en imaginant la pire punition de l’homme, à savoir devoir vivre avec tout ce qu’il n’a pas vécu, et, en miroir, invite le lecteur à réfléchir au sens de sa vie – aux chemins qu’il a empruntés, à tous ceux qu’il a renoncé à fouler –, avant qu’il ne soit trop tard et que ses regrets deviennent des tombes dans lesquelles il s’enterre vivant.


Mon avis


Sartre nous a dit "Nous sommes la somme de nos choix". Cependant Tino s'est vu imposé un choix par ses parents qui a changé le cours de l'histoire qu'il s'était écrite. 

D'une écriture fine, ciselée, exigeante, pour nous conter les maux de cette existence contrariée, Corentin Mazeron nous propose une réflexion philosophique : incarne-ton vraiment nos vies ou nous laissons nous porter vers d'autres chemins dès lors que celui que nous nous étions destiné à changer d'horizon. 

L'histoire bluffante arraché à sa terre natale et à la femme prédestinée, pour lui faire vivre une vie déracinée, palliative, émotionnellement torturée. La plume est incisive, le verbe percutant, le développement parfois déroutant, le suspense omniprésent. Un premier roman addictif.

"Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour, et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu", Romain Gary.

De New York à Los Angeles, de Paris à Marseille, d'un coeur choisi à celui espéré, Tino traverse l'Histoire en passager clandestin sans apitoiement. il a vécu ce qui devait être sans jamais s'enraciner dans une France fantasmée ou une Amérique utilitaire.


Impossible de se libérer de Tino avant le crépuscule de sa vie.

ALABAMA 1963 _ Ludovic Manchette Christian Niemiec

 ALABAMA 1963

Auteurs : Ludovic Manchette Christian Niemiec

Editeur : Le Cherche Midi_Pocket

Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d'une fillette noire est retrouvé. La police s'en préoccupe de loin. Mais voilà que d'autres petites filles noires disparaissent...
Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d'enquêter pour le père de la première victime. Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s'interroge : "Les petites filles, ça disparaît pas comme ça..."
Deux êtres que tout oppose. A priori.
Sous des airs de polar américain, "Alabama 1963" est avant tout une plongée captivante dans les États-Unis des années 1960, sur fond de ségrégation, de Ku Klux Klan et d'assassinat de Kennedy.


Mon avis :

Deux mondes parallèles ponctués de violence, deux personnages aussi différents que possibles : un privé blanc, alcoolique et une domestique noire, veuve, à l'humour un peu insolent.

La ségrégation régit la vie de tous. Qui va s'intéresser à la disparition de petites filles noires ? Un flic déchu et une femme empathique qui s'imagine la déchirure que serait la perte de sa fille.

Un couple atypique, dérangeant pour l'époque violente mais complémentaire ; une enquête prétexte à la rencontre de deux mondes que tout oppose et pourtant... Bud est bien conscient d'avoir besoin de l'aide d'Adela sans vraiment le dire, quant à Adela, l'attitude de Bud la pousse à se surpasser : apprendre à lire et à conduire, prendre du recul.

Ce roman est addictif, noir et lumineux. Des dialogues savoureux empreints d'humour parfois. L'époque prête a cette rencontre hors normes qui va aiguillonner les deux communautés. 

Les auteurs bousculent les conventions, nous font découvrir cette année 1963 avec ses évènements tragiques : la mort de Kennedy, le discours de Luther King, les écoles mixtes et les heurts que cela va engendrer, le klan. Les personnages secondaires Miss Gloria, Shirley et sa cousine, Nelson, Walt et les autres constituent une galerie indispensable pour comprendre le contexte de l'époque.

Un roman captivant, savoureux, dur et tendre que l'on ne peut quitter avant l'épilogue. La couverture rappelle un film de Clint Eastwood que l'on verrait bien adapté celui-ci.

Cette histoire à la fin émouvante est un coup de coeur. 

À lire absolument ! ★★★★★




HAUTE SAISON _ Adèle Bréau

HAUTE SAISON

Autrice : Adèle Bréau

Editeur : Le Livre de Poche

Un club de vacances sur la côte basque.

Quatre solitudes qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Une histoire d'amitié et de rédemption.

Anglet, fin juillet. À la réception du Club Océan, Germain accueille comme chaque semaine les nouveaux arrivants, avec un mélange de plaisir et d'appréhension...

Au milieu des habitués, certains clients goûtent pour la première fois aux « joies du club ». Chantal, qui débarque sans grand enthousiasme avec ses petits-enfants, Matthias, papa solo ayant cédé à l'appel de l'option « mini-club », et Fanny, venue en famille pour tenter de resserrer les liens, vont plonger dans ce huis clos aussi enjoué qu'inquiétant, dont la feuille de route est claire : faites connaissance et a-mu-sez-vous ! Mais qu'a-t-on à partager avec des êtres si différents ? 

Entre tournois de tir à l'arc, plaisirs du self et jeux apéro, ces vacanciers contraints de cohabiter parviendront-ils à rompre la glace malgré les secrets qu'ils ont emportés dans leurs bagages ? Peut-on réparer ce qui a été brisé ? Faut-il se lever à l'aube pour avoir un transat à la piscine ? 

Autant de questions à la fois profondes et légères qui portent ce roman solaire, plein d'humour, d'émotion et d'humanité.


Mon avis :

Un club de vacances où tout est inclus, quoi de mieux pour se détendre sans se poser de questions ? En fait, tout dépend de ce que vous attendez d'un lieu où tout est conçu pour vous occuper sur place, vous faire consommer local mais au milieu d'inconnus...

Heureusement, il y a Germain, concierge hors pair pour trouver des solutions à tout ou presque, quitte à risquer sa place. 

Adèle Bréau nous offre un roman choral où Fanny, Victor, Chantal, Mattias et quelques autres vont s'offrir le luxe de s'ouvrir aux autres en un lieu qu'ils n'imaginaient pas si hospitalier que cela, à leur arrivée.

J'ai beaucoup aimé voir évoluer les personnages au gré de leur déboire personnel et des difficultés que la vie vient mettre sur leur chemin alors qu'ils sont dans un lieu propice à la détente et au farniente. Aucun d'entre eux n'aura portant l'opportunité de mettre leur cerveau en pause pour déconnecter de leur réalité d'avant vacances, mais souvent la vie est pleine de surprises !

À lire, au soleil avec un mojito bien "a rhumatisé" !




IL FAUT BEAUCOUP AIME LES GENS _ Solène Bakowski



 IL FAUT BEAUCOUP AIME LES GENS

Autrice : Solène Bakowski

Aux Editions Plon - 364 pages

Après un séjour en prison, Eddy Alune, 31 ans, est devenu veilleur de nuit, un métier qui lui permet d'échapper aux gens et aux ennuis. Il vient de perdre son père. En vidant l'appartement de son enfance, il retrouve des effets personnels qu'il a volés, vingt ans plus tôt, à proximité d'une SDF morte dans la rue. Poussé par la culpabilité, il décide de rendre à cette femme l'histoire qui lui a été confisquée.
Une enquête commence, dans laquelle Eddy se lance magnétophone à la main, pour ne rien oublier. De rencontre en rencontre surgissent plus que des souvenirs. Des liens nouveaux se tissent et la mémoire, ravivée par Eddy, va bouleverser bien des vies.
Il faut beaucoup aimer les gens trace le parcours d'un homme ordinaire qui, voulant réparer ses fautes, se trouve réparé par les autres. Ce roman pudique et profondément humain dessine les contours extraordinaires des visages qui font notre quotidien.


Mon avis :


Solène Bakowski m'a conquise une fois de plus avec les destins croisés d'Eddy Alune, Luciole, Rosa et ses personnages secondaires Noémie, Ahmed, Amalia et les autres.

L'autrice a l'art de nous conter les destins fragiles de ces gens que l'on croise sans les voir. Elle tisse sa toile de dentelles pour nous donner à rencontrer des êtres abîmés par la vie, en proie aux doutes et aux remords comme Eddy et Luciole. Chaque roman de Solène Bakowski nous parle d'humanité.

Je ne veux pas divulgâcher cette histoire si délicatement écrite. Mais, ne passez pas à côté de la perspective qui vous est offerte de regarder le monde autrement, de vous laisser porter par la voix de Luciole et l'envie de réparer d'Eddy.

Eddy redonne vie à Rosa, morte sous un porche. Il retrace sa vie à travers le récit des personnes qui l'ont connue, aimée, qui ont été intrigués par cette femme croisée au hasard d'un café. Une femme vibrante. Cela va permettre à cet homme fermé, solitaire, blessé, de s'ouvrir aux autres.

L'autrice sort de l'ombre ces personnages que la vie malmène. Elle nous parle tout en pudeur de ceux qui leur offre un lien ténu, une écoute indispensable jusqu'au matin suivant, pour qu'ils aient la force de continuer jusqu'à la nuit suivante. 

Solène Bakowski est une guérisseuse, elle pose sa plume avec tendresse sur votre coeur pour vous permettre d'aimer les gens, tout simplement.


NOS COEURS SI LOIN - ELAINE CASTILLO

 NOS COEURS SI LON

Autrice ELAINE CASTILLO

Aux Editions La Croisée - 552 pages

Quand elle arrive dans la baie de San Francisco après a voir fui les Philippines, son pays natal, Hero refuse d'evoquer ce qui lui est arrivé. Au coeur de la Californie, c’est toute une communauté d’expatriés qui va l’accueillir : jeunes adultes, enfants, employés de restaurants, salons de beauté, qui se sentent ni tout à fait américains, ni tout à fait philippins. Parmi eux, Hero tombe amoureuse de Rosalyn, et son passe resurgit malgre elle…
Entre La Vie breve et merveilleuse d’Oscar Wao de Junot Diaz et les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin, Nos coeurs si loin est un premier roman lumineux et profond sur l’amour sous toutes ses formes, sur les exactions d’un régime politique et le pouvoir salvateur des communautés - de sang ou de coeur.



Mon avis :

Ce roman est difficile à aborder, un peu trop dense à mon goût. Pourtant les portraits de femmes proposés par l'autrice : Hero, Paz, Roni, d'âge différents, bel et bien liées par ce destin d'expatriées sont poignants.

Le traumatisme vécu par Hero, Paz, s'imprime à la génération suivante sans que rien ne puisse l'empêcher. Beaucoup d'humanité dans ce roman choral. L'écriture est intense, les questionnements nombreux car même si la communauté permet un sentiment d'appartenance, tous ces gens ne sont plus vraiment Philippins et pas Américains.

Même si pour la plupart d'entre eux, c'était une question de survie, le déracinement est une blessure indélébile. L'autrice nous touche en nous faisant traverser le temps, celui du passé aux Philippines et du présent en Amérique avec ses difficultés d'intégration, la langue qui émaille les conversations à la maison, la double culture à construire dans une ville cosmopolite nous éclaire sur les difficultés d'une communauté qui doit trouver sa survie dans des petits boulots.

L'autrice nous permet d'entrevoir les Philippines, la dictature, le multiculturalisme, l'importance des communautés pour les expatriés, la sauvegarde de l'amour.

Toutefois, je n'ai pas trouvé la référence avec les chroniques de San Francisco pertinente. Le roman aurait mérité d'être élagué d'un nombre trop important de personnages pour rendre de la lisibilité au destin de Hero.

Je remercie l'opération Masse Critique de Babelio de m'avoir permis de découvrir la plume d'Elaine Castillo.


LE LOUP PEINT - Jacques SAUSSEY

 LE LOUP PEINT

Auteur : Jacques SAUSSEY

Editions Le Livre de Poche thriller- 462 pages

Vincent Galtier est vétérinaire dans une petite ville de l’Yonne, près d’Auxerre. Depuis la mort de son fils, son couple est exsangue. Seule, Marion, sa maîtresse, parvient avec peine à lui faire vivre quelques rares moments d’oubli au creux de son lit. Une nuit, alors qu’il vient de la quitter et traverse une forêt isolée pour rentrer chez lui, les passagers d’une voiture inconnue lui tirent dessus et tentent de le précipiter dans un ravin. Lorsque Vincent parvient enfin à son domicile, après leur avoir échappé de justesse, c’est pour y découvrir une scène de massacre. Mais ce n’est pas la seule qui l’attend. Le cauchemar ne fait que commencer...



Mon avis :


Je découvre Jacques Saussey avec ce thriller.

L'idée d'une intrigue au sein d'un trafic de chiens, dont un plus exotique que les autres, soutenu par un vétérinaire, m'a paru très intéressante, même si l'auteur s'autorise à utiliser de vieilles recettes, un peu éculées : "sexe et hémoglobine", plus quelques clichés attendus pour agrémenter le récit.

Il ne faut pas être fragile pour se laisser embarquer tambour battant par la frénésie de vengeance de Sophie, la "bombe" assassine. Je ne sais pas si le prénom a été choisi à dessein mais Sophie a en effet eu bien des malheurs, qu'elle va faire payer à qui se mettra en travers de la mission qu'elle a décidé de poursuivre en souvenir de son amoureux de mentor.

L'auteur nous ballote au gré des désastres qui vont s'abattre sur un Vincent Galtier qui se laisse porter par les évènements et son "deuxième cerveau", ce qu'il va amèrement regretter. Le vieux brisquard de Richard Milan, policier incolore, a l'instinct de limier va permettre des avancées que le lieutenant Dardenne n'a pas vues venir.

Un thriller habile qui rend captif jusqu'à l'épilogue. J'ai été ballotée au gré des manigances de Sophie, des frayeurs de Galtier, des réflexions de Milan, de tous les twists semés, comme des petits morceaux de pain sur le chemin du lecteur, qu'un corbeau aurait englouti pour le perdre dans les méandres de l'esprit d'un couple infernal, d'un flic obsédé et d'un vétérinaire attentiste et velléitaire. 

Un bon moment de lecture !



MAMMA MARIA - Serena GUILIANO

 MAMMA MARIA

Autrice : Serena Guiliano

Aux éditions Pocket - 227 pages

"Ciao, Sofia, qu'est-ce que je te sers ? Comme d'habitude ? Et j'ajoute un cornetto, parce qu'il faut manger, ma fille !
– Oui, merci, Maria."
Je m'installe en terrasse, face à la mer, comme chaque matin depuis que je suis de retour en Italie. J'aime bien travailler au son des tasses qui s'entrechoquent. Et, au Mamma Maria, j'ai toujours de la compagnie. Il y a ceux qui viennent tuer le temps. Il y a les enfants qui rêvent devant le comptoir à glaces. Il y a les ados qui sirotent un soda, monsieur le curé, et, surtout, mes partenaires de scopa.
Ici, on vient échanger quelques mots, partager un apéro, esquiver la solitude ou écouter Celentano. Moi, je viens pour me persuader que j'ai bien fait de quitter Paris... et l'autre abruti.
Il fait quand même meilleur ici.
Et puis, on cherche aussi à profiter de la bonne humeur (ou non) de Maria, qui mène, comme une mamma, tout ce petit monde à la baguette.
Bref, j'ai enfin retrouvé mon village paisible.
Enfin, paisible jusqu'au jour où...


Mon avis :


Je ne vais pas révolutionner les avis déjà donnés sur ce roman aussi doux qu'un jour d'été face à la mer.

Serena Guiliano nous propose d'accompagner Sofia de Paris à son village italien posé sur une colline face à la mer. "Choisir c'est renoncer", Sofia veut Paris, sa grisaille, sa vie survitaminée et le farniente, la jovialité ou pas d'une Maria, intrusive, aux petits soins, de mauvaise foi, mais aussi tendre à l'intérieur qu'elle peut être cruelle parfois.

Une vie baignée de chaleur et d'absence, du petit bonheur de jouer à la Scopa avant l'heure de l'apéritivo. D'avoir Lella pour amie, comme une soeur qui la comprend, la soutient. Alors, lorsque Franco décide que non, le monde ne l'obligera pas à prendre une décision qui lui briserait le coeur, Sofia embarque dans sa galère et ne lui lâche plus la main.

Une bataille qui amènera Sofia à trouver son chemin mais je ne vais pas divulgâcher l'histoire si délicatement narrée par Serena Guiliano.

Elle nous offre un roman plein d'humanité, une bouffée de lumière de la côte Amalfitaine, une plongée dans les recettes de Maria. Sofia nous embarque, nous impose la question : "et moi, aurais-je su me comporter ?".

Cette histoire qui donne envie de s'asseoir en terrasse, devant un spritz, un limoncello ou le fameux amalfitano, est bien plus qu'une parenthèse ensoleillée qui chatouille les papilles.

Découvrez-le, ce roman nous laisse croire que nous pouvons dépasser nos inquiétudes pour être plus à l'écoute du monde qui nous entoure. Peut-être enverrez-vous plus de cartes postales désormais ?!






CORNICHON THERAPY _ Karen MERRAN

 CORNICHON THERAPY

Autrice : Karen MERRAN

Aux Editions EYROLLES - 317 pages

« Bonjour, je suis un génie de bureau. J’ai le pouvoir d’exaucer trois de vos vœux. »
Lorsque Jeannette découvre cet improbable message devant son clavier d’ordinateur, elle se pense d’abord victime d’un canular orchestré par ses collègues. Pourtant, la proposition tombe à pic : la vie de Jeannette manque de sel, ses enfants sont partis, son mari se désintéresse d’elle et au travail, elle est invisible !
Se prenant au jeu, elle formule donc un vœu, puis un autre et perd vite le contrôle de la situation. Quand le génie de bureau finit par se démasquer, le conte de fées prend des allures de thérapie, mais tourne vite au conte de fous. Embarquée malgré elle dans une périlleuse affaire, Jeannette parviendra-t-elle à être heureuse ? Et pourquoi est-il question de cornichon en titre ?


Mon avis :

Ce roman est une bulle de savon, vibrante et légère qui gonfle au gré du souffle de l'histoire de Jeannette, proposée par Karen Merran, pour vous enchanter avec ses couleurs irisées mais gare à l'explosion ! 

 Évidemment, Jeannette vous embarque immédiatement avec son mal-être. Les enfants ont quitté le nid, Arnold, le mari, est centré sur son petit nombril. La belle-mère est digne des marâtres de contes de fées, alors quand le génie de bureau lui offre un moyen de se faire plaisir, de sortir de sa déprime avec 3 voeux : elle dégaine un premier voeu : "je veux voir la mer !" sans conviction. 

C'est ainsi que débute cette drôle d'association : une Jeannette peu sûre d'elle qui doit faire des choix et le Génie qui doit lui apporter sa solution. C'est bien là que le bât blesse... 

L'autrice vous livre une recette du bonheur au travers du regard et des décisions de Jeannette, poussée l'action à grand renforts de maximes de contes de fées de son génie bigarré sans lampe, puis les hommes de sa vie tant personnelle que professionnelle. Mais il est où le bonheur, il est où ? Le trouvera-t-elle dans les recettes imparables proposées par tous les scientifiques du monde qui vous conseille de faire baisser votre taux de stress à grand renfort de cornichons ou de choucroute ? 

La fantaisie de surface soulève pourtant de vraies questions sur la manière dont les femmes s'oublient trop souvent au profit de leur conjoint, leurs enfants et s'épuisent à trouver simplement de la satisfaction à ce qu'elles vivent au quotidien.

La jolie plume de Karen Merran, toute en tendresse, poésie soupoudrée de magie, vous amènera exactement là où vous ne vous attendez pas à atterir et puisque le bonheur est d'abord affaire de confiance en soi et de recettes à appliquer, vous sourirez probablement la prochaine fois que vous ferez vos courses au supermarché.

J'ai beaucoup aimé voir Jeannette se remettre à vivre pleinement. L'autrice offre un roman captivant, pleins de rebondissements, addictif.

Je découvre Karen Merran avec ce roman, nul doute que j'irai voir sa bibliographie. Si tous ses romans sont à l'origine comme celui-ci de la position haute de nos zygomatiques, alors j'en redemande immédiatement !

Merci aux Éditions Eyrolles de m'avoir permis ce joli moment de lecture !!

APRES L'OCEAN _ Laurence Peyrin


 APRES L'OCEAN

Autrice Laurence Peyrin

Aux Editions Calmann-Levy _ 486 pages

En ce printemps 1912, parmi d’autres naufragés hagards tirés de l’océan, Letta Alistair, 24 ans,
 serre contre elle sa petite soeur Molly en regardant approcher la statue de la Liberté. Elles sont les deux seules survivantes de leur famille, engloutie comme 1491 personnes avec « l’insubmersible » Titanic.

Les soeurs Alistair ont tout perdu. Leur père, Charles, dit le roi de la tourte, célèbre pour ses pâtes brillantes, ses viandes moelleuses mêlées d’oignons caramélisés, avait embarqué famille et biens pour développer son savoir-faire à New York. Letta ne peut même pas s’autoriser le désespoir, car Molly l’inquiète, plongée depuis le drame dans un profond mutisme.

Le naufrage du Titanic est un événement majeur qui secoue toute l’Amérique, et les victimes sont prises en charge, logées à l’hôtel, examinées à l’hôpital. Et après ? Letta va devoir puiser très loin en elle pour survivre dans ce New York qu’elle n’aime pas et qu’elle ne comprend pas. Et se battre pour sauver sa petite soeur bientôt qualifiée de « folle » dans un siècle qui traite mal les fous…

Une atmosphère à la Downton Abbey vue d’Amérique : New York en 1912, la fin flamboyante 
d’une époque.


Mon avis : 

Laurence Peyrin n'a pas son pareil pour brosser des portraits de femmes.

L'anniversaire du naufrage du Titanic est une source insoupçonnée pour parler du sort des femmes de l'époque. Letta a perdu ses parents et son époux, sa petite soeur Molly souffre d'un choc posttraumatique qui lui impose le silence. 

Letta ne veut rien devoir à personne. Elle doit pourtant son salut à deux soeurs, l'une, oeuvrant pour l'Armée du Salut, pour lui avoir donné un toit, l'autre pour l'avoir engagé dans sa pharmacie aux vendeuses si particulières, mais parfois l'enfer est pavé de bonnes intentions. Molly, traumatisée, ne leur a pas permis de prendre le bateau de retour vers Portsmouth, il a donc fallu se résoudre à rester et faire en sorte que Molly soit sage pendant ses absences avec un peu de laudanum.

Letta ne veut pas dépendre de ce fils de famille qui tient tant à les prendre en charge Molly et elle. Deuil, résilience, amitié, différence, abnégation, amour, folie, des thèmes abordés sans détour pour dépeindre une époque et un pays où le rêve est à portée de mains pour qui sait se battre pour le transformer en réalité.

L'autrice nous offre des personnages romanesques, lumineux, vibrants d'émotions. L'histoire triste et belle de "la rescapée, l'estropiée, le candide et la muette", ces personnages troublants d'humanité et de candeur pas tout à fait perdue, pas totalement retrouvée, ils vivent en nous désormais grâce à la force de sa plume.

Ses romans ancrés dans l'Histoire pour asseoir le caractère de femmes toujours debout face à l'adversité, c'est la signature de l'autrice. Laurence Peyrin n'a pas son pareil pour nous glisser dans la peau de ses personnages féminins, nous faire découvrir une époque, ces pratiques, toujours documentées en égrenant les écueils qu'elles doivent surmonter.

Laurence Peyrin, c'est d'abord un regard aiguisé sur le monde, une émotion à fleur de pages, une force insufflée à toutes ces femmes "ordinaires" qui ont pris vie sous sa plume, fluide, vibrante, pour devenir des modèles de force et d'abnégation, et instiller l'espoir d'un avenir meilleur.




LEONIE _ Marlène Charine

LEONIE

Autrice Marlène Charine

Aux Editions Calmann-Levy - 414 pages

UNE JEUNE FILLE SÉQUESTRÉE DANS UNE MAISON,
UN FLIC PRISONNIER DE SON PROPRE CORPS,
CHACUN EST PEUT-ÊTRE LA CHANCE DE L’AUTRE...


Chaque matin, derrière la lourde porte rouge et sa série de verrous, Léonie attend Raymond. Et ce depuis 5 ans, 11 mois et 30 jours.
Raymond a kidnappé la jeune fille à la sortie d’une soirée, peu avant son bac. Depuis, Léonie vit à l’étage de sa maison, la cheville enserrée dans un bracelet métallique.
Mais ce matin, Raymond s’écroule. Crise cardiaque. Pour Léonie, c’est la panique. Toujours sous l’emprise mentale de Raymond, elle est incapable de sortir. Et si personne ne la croyait ? Et si tout le monde l’avait oubliée ? La voilà dans une maison isolée, seule avec un cadavre. Libre, mais pas libre.
Dans une clinique de la ville voisine, Diane lit à son frère, un excellent flic brisé par un accident de parapente, les dossiers qu’il aurait voulu résoudre, et notamment celui de la disparition de Léonie.
C’est alors qu’un corps est retrouvé dans la forêt...


Mon avis :


Marlène Charine nous conte les vies parallèles de Léonie, séquestrée par Raymond, quinquagénaire élégant et discret et de Diane suspendue aux progrès de son jeune frère en convalescence après un grave accident de parapente.

Un fait divers, la disparition d'une jeune fille alors qu'elle quittait la soirée entamée avec des amis, 5 ans et quelques plus tôt, aurait dû échoir à Loïc et son collègue Jonas. Seulement un accident de parapente en décide autrement.

L'autrice tire son fil d'Ariane dans le dédale des peurs ancrées de Léonie et de celles cachées de Diane. Deux jeunes femmes meurtries et fortes qui décident de reprendre leur destin en main, chacune à sa façon.

Ces protagonistes prisonnières du passé se battent pour écrire un avenir hors du commun. L'autrice instille le doute, distend le fil pour vous perdre mais l'histoire est très construite et lorsque l'on retrouve son chemin, c'est pour pleurer sur ces destins brisés et sourire aux ressorts imaginés, un peu ubuesques parfois, pour aider à colorer la vie de Léonie après toute cette noirceur.

Ce thriller très réussi nous amène à toucher du doigt la psychologie du ravisseur, celles des policiers en charge de l'enquête et bien entendu la force mentale de Léonie, lorsqu'elle choisit de regarder mourir Raymond, de lentement se libérer de ses chaînes pour s'affranchir de la vie qu'elle a été contrainte de laisser en suspens pour s'en créer une nouvelle.

Marlène Charine est une fine portraitiste du féminin noir à chaque roman renouvelé.



 
 

LE SENS DE NOS PAS _ CLAIRE NORTON

 LE SENS DE NOS PAS

Autrice : Claire NORTON

Editions Robert LAFFONT - 456 pages 

Auguste a « son » banc, dans un joli parc du Vésinet.
Celui où, tant de fois, il est venu s’asseoir avec Jeanne, son grand amour. Depuis la mort de cette dernière, il continue d’y venir chaque jour se souvenir des belles choses... Cet après-midi-là, c’est accablé qu’Auguste s’assied : il vient d’apprendre coup sur coup que sa belle-fille et son fils s’apprêtent à le placer en maison de retraite, et qu’il est atteint d’un mal incurable qui ne lui laisse que quelques mois à vivre.
Échouée à l’autre bout du banc, Philomène, quinze ans, est tout aussi désemparée. Fille unique, elle vient de perdre sa mère dans un accident de voiture et a rompu toute communication avec son père, qu’elle accuse de lui cacher la véritable cause de cet accident : un suicide.
Leur seule issue, cet après-midi-là : s’enfuir. Auguste parce qu’il refuse de passer le peu de temps qu’il lui reste enfermé et passif. Philomène parce qu’elle ne pourra pas faire son deuil tant qu’elle n’aura pas résolu le mystère de la mort de sa mère.
Également désemparé, Auguste n’a aucune envie de s’encombrer de cette gamine. Pourtant, et contre toute attente, la quête que vont entreprendre ensemble le vieil homme et la jeune fille se révélera le plus précieux cadeau que la vie pouvait leur réserver...


Mon avis :


Un roman bouleversant devant les questions de la transmission, du deuil, de la fin de vie, de l'amour, du pardon.

L'autrice nous propose une rencontre intergénérationnelle pour nous mener à réfléchir sur ces questions que nous nous posons parfois : "que vais-je faire de ma vie" et plus tard "qu'ai-je fait de ma vie ?". Quel est le bon chemin ? Puis-je corriger mes erreurs ?

Auguste et Philomène, l'un à l'apogée de sa vie, l'autre à l'aube, deux générations face au deuil. Une rencontre improbable qui nous donne à découvrir des personnages secondaires, Simon le fils d'Auguste, Benoît le père de Philomène, Aurore rencontrée sur le chemin de la vérité de Philomène, Paul l'ami d'enfance d'Auguste, tous vont faire ce travail de résilience et d'abandon du passé pour trouver leur voie dans l'avenir. 

Claire Norton distille énormément d'émotions au fil des chapitres et pose la question : et vous, feriez-vous le choix d'Auguste ? La loi Claeys-Leonetti suffit-elle à répondre à la détresse de ceux qui n'ont plus d'avenir ? Il m'a semblé que les histoires secondaires s'imbriquaient un peu trop parfaitement à celle d'Auguste et Philomène, que certains dialogues entre père et fils faisaient un peu trop la part belle à l'happy end. La compréhension du choix de ses aînés n'est pas toujours aussi aisée en la circonstance.

Ce roman est délicat tant par les sujets traités, que par l'écriture pétrie de tendresse pour Auguste et son phénomène. On sourit et on pleure beaucoup devant l'amour qui se dégage de la rencontre entre ces deux-là. Auguste le dit justement on traite nos aînés comme les enfants avec l'idée qu'ils ne peuvent être capables de choisir le sens de leur pas seul. Alors, être utile une dernière fois aura éclairé sa destinée.

Je garde le conseil d'Auguste : "restez curieux, ouvert aux autres, permet de rester jeune" et probablement de trouver le chemin de l'amour et du partage.

Je remercie Babelio qui m'a privilégié en me faisant découvrir ce roman et les éditions Robert Laffont pour avoir édité un roman aussi fort.


UN LONG. SI LONG APRES-MIDI _ INGA VESPER

 UN LONG.SI LONG APRES-MIDI

Autrice INGA VESPER

Aux Editions De la Martinière - 408 pages

Dans un quartier riche et ensoleillé de Los Angeles, tout semble parfait. Mais la perfection n’existe pas, et là où il y a soleil, il y a ombre.
Secrets et tragédies se cachent à chaque coin de rue.
Dans une veine qui rappelle La Couleur des sentiments ou Desperate Housewives, Un long, si long après-midi est un premier roman époustouflant au coeur d’une Amérique asphyxiée par son sexisme et son racisme ordinaires.
« Hier, j’ai embrassé mon mari pour la dernière fois. Il ne le sait pas, bien-sûr. Pas encore. En réalité, j’ai du mal à y croire moi-même. Pourtant, quand je me suis réveillée ce matin, j’ai su que c’était vrai. »
C’est l’été 1959, les pelouses bien taillées de Sunnylakes, en Californie, cuisent sous le soleil. Dans la chaleur étouffante d’une trop longue après-midi, Joyce, une mère de famille comme on en rencontre dans les belles histoires du rêve américain, s’ennuie. Ses enfants crient, son mari va bientôt rentrer, les minutes rampent comme des limaces.
C’est l’été 1959 et Ruby, la femme de ménage de Joyce, rejoint la maison où elle doit effectuer ses dernières heures de travail de la journée. Mais Joyce a disparu et ne subsiste plus dans la cuisine qu’une mince tâche de sang sur le sol.

C’est l’été 1959 et quand on suspecte un crime, la femme de ménage noire et célibataire est toujours la meilleure des suspectes. Le fusible à faire sauter pour éviter que n’explose le grand miroir des faux semblants. Si ce n’est que Ruby a décidé de se saisir de son propre sort. L’émancipation féminine et raciale n’est pas encore à la mode, mais elle est déterminée à faire entendre sa voix. 


Mon avis


Roseview Drive a quelque chose de Wisteria Lane, des jardins entretenus, des femmes au foyer flanquées de mari laborieux pour prendre soin d'elle. Elles ont tout pour être heureuse, une bonne noire, des enfants à élever, un pavillon au calme dans une banlieue loin des ghettos dont sont issues leurs domesticités.

Pure fiction que ce besoin d'émancipation féminine, à la fin des années 50, dans une Amérique où les noirs témoins de violence deviennent les suspects des crimes commis ? En tout cas, cette enquête menée tambour battant nous plonge dans la sempiternelle question : doit-on se mêler d'affaires qui ne sont pas les nôtres pour assouvir un sentiment de justice quand votre couleur de peau peut vous amener tout droit à prendre la place du suspect ?

Fil rouge de cette intrigue, la voix de Joyce distille des informations sur sa vie, ses choix, ceux que la société lui impose.

Inga Vesper nous propose un premier roman, au coeur d'une enquête haletante, qui même s'il y a des invraisemblances nous amène à découvrir les déboires et aspirations de Ruby, Joyce, Deena jusqu'à l'épilogue. Le duo, flic hors des clous et bonne noire intelligente, deux personnages centraux, singulièrement humains avec leurs fêlures et leurs aspirations à voir une société plus juste advenir est parfois un peu caricatural, mais il serait agréable de le voir évoluer dans une suite à venir.

L'autrice nous conte le quotidien des femmes de cette époque. Y-a-t-il une barrière entre les "blanches et les noires" ? Pas dans les quatre murs de la maison de Joyce qui comprend parfaitement les aspirations et les blessures de Ruby. Pourtant, rien ne doit transpirer. Tout est faux-semblant et bien-pensance à Sunnylakes.

Un roman qui nous montre le chemin parcouru et celui qui reste à conquérir pour les femmes de quelques horizons qu'elles soient.

Un très bon moment de lecture. Je remercie Babelio et les Éditions de la Martinière de m'avoir permis de découvrir l'écriture fluide d'Inga Vesper.


 


MERCI, GRAZIE, THANK YOU _ JULIEN SANDREL

MERCI, GRAZIE, THANK YOU

Auteur : Julien SANDREL

Aux Editions Calmann-Levy

Il n’est jamais trop tard pour dire merci


Gina, charmante vieille dame d’origine italienne qui mène une existence modeste à Paris, a un péché mignon que tout le monde ignore : elle va chaque mois jouer aux machines à sous. Et voilà qu’un jour, elle gagne…


Aussitôt, Gina prend une folle décision : cet argent, elle va le partager avec chacune des personnes qui ont joué un rôle dans sa vie et qu’elle n’a jamais pu remercier. Alors sans rien révéler à quiconque de son gain ni de ses intentions, Gina s’envole sur les traces de son passé…


Lorsque sa petite-fille Chloé découvre la « fugue » de sa grand–mère adorée vers New York, elle décide de partir à sa recherche, accompagnée, à son corps défendant, par la très loufoque et envahissante meilleure amie de Gina qui a le don pour les mettre dans des situations impossibles.


Commence alors pour les trois femmes un voyage riche en émotions fortes, entre fous rires et larmes, entre gratitude et transmission, rythmé par les secrets de Gina et les soubresauts d’une Histoire pas si lointaine...
Toute la puissance d’émotion de Julien Sandrel.
 


Mon avis :


Julien Sandrel a la faculté de nous entraîner dans des histoires à l'intrigue menée tambour battant, chargées d'émotions, pleines d'humanité, peuplées de personnages aux caractères bien trempés.

Ce roman n'y déroge pas. Gina est de ces personnages qui prennent vie, vous embobinent dans sa joie de vivre, pour cautériser ses plaies.

Elle est persuadée qu'elle ne survivra pas longtemps à son gain, selon la prédiction d'une diseuse de bonne aventure, tout doit donc aller très vite.

Alors que vous vous attendez à lire un roman feel-good qui ne vous encombrera pas la mémoire, vous êtes happés par la profondeur sous-jacente à cette histoire délicieusement acidulée, l'auteur vous embarque d'abord dans la quête des origines de Gina au coeur à Ellis Island. On y apprend le sort réservé aux migrants venus d'Italie et d'ailleurs, un Babel où la misère est exploitée où la simple humanité est niée aux arrivants rebaptisés, pour les plus chanceux, qui auront droit de fouler le sol de New York. C'est ainsi que Gina devient Virginie.

La plume délicate et tendre de Julien Sandrel essaime des touches d'humour pour aborder l'amour, l'amitié, la filiation, la maternité, l'homosexualité, la transmission, avec délicatesse, en nous offrant des personnages touchants, vrais, avec leurs fêlures, leurs peurs, leurs secrets. Nos peurs sont-elles transmises aux générations à venir dans nos familles ? 

Tant de questions de fond sont abordées dans ce roman sans qu'on y prenne garde, c'est là le talent de Julien Sandrel : nous offrir une histoire douce, pleine de rebondissements, qui nous donne à réfléchir, si on choisit de le faire.

On peut simplement choisir d'accompagner Gina avec bienveillance dans cette fiction. Mais son histoire rencontre celles de bien des lecteurs parce qu'elle fait écho à la grande Histoire, cela fait toute la différence. On traverse le récit tantôt les zygomatiques en position haute, tantôt les larmes aux yeux, c'est cela un roman de Julien Sandrel.

Merci pour ce joli moment de lecture.








LE BONHEUR EST AU FOND DES VALLEES _ Geneviève SENGER

 LE BONHEUR EST AU FOND DES VALLEES

Geneviève SENGER

Aux Editions Calmann-Levy - 320 pages

Le souffle d'une grande saga entre les tempêtes de l'Histoire et la douceur du Quercy. 

Fortune faite en Amérique, Josef Bear décide, en cette année 1900, de retourner en Europe, accompagné de sa benjamine, Marigold, pour y jouir d'une retraite bien méritée. 

C'est en France qu'il s'installe, sur les bords du Lot, la région d'origine de la famille qui l'a recueilli lorsqu'il a débarqué encore enfant aux Etats-Unis.

Alors que Marigold, peu sensible au charme de la campagne, cède aux sirènes de la vie parisienne et s'éprend d'un peintre de Montmartre, Josef se passionne pour le moulin abandonné de son domaine dont il relance la production d'huile de noix. L'estime dont l'entourent les villageois ne suffit pourtant pas à apaiser la conscience du vieil homme. Josef Bear sait que son secret, enfoui dans son enfance, bouleversera le destin de sa fille lorsqu'elle l'apprendra...


Mon avis :

Dans cette vallée paisible entre Lot et Quercy, Joseph se découvre une passion pour un vieux moulin qu'il souhaite réhabiliter.

Sera-ce la seule chose à réhabiliter ? Joseph est un homme usé moins par l'âge que par la culpabilité qui lui ronge l'estomac. Il aimerait établir sa benjamine dans une maison paisible au bord du Lot alors qu'elle ne rêve que de fêtes et de Paris. Un mariage pour quitter ce monde apaisé.

Marigold n'est pas écervelée; Elle se laisse pourtant entraîner dans le tourbillon des bals et autres guinguettes montmartroises, se laisse griser et délaisse son vieux père pour Paris et son effervescence.

Geneviève Senger nous brosse le portrait d'une France tranquille où Joseph cherche à devenir le Jean Valjean d'une contrée retirée des conflits intérieurs qu'il se livre et de celui qui frappe la France, une nouvelle fois. C'est ce vers quoi tend Joseph Bear.

L'autrice nous livre une saga familiale aux personnages bien trempés. Dans l'écrin de cette vallée tranquille, les non-dits familiaux, l'amitié, l'amour, le pardon sont évoqués avec délicatesse.

Une plongée dans la vie d'hommes et de femmes aux destins bousculés par l'Histoire dont l'aspiration est de trouver la paix et la douceur de vivre. Une quête intemporelle qui frappe au cœur.




UNDERDOG SAMOURAÏ

 UNDERDOG SAMOURAÏ

Auteur Romain Ternaux

Aux Editions Forges de Vulcain_287 Pages 

Un jeune homme, un peu loser sur les bords, se procure un sabre japonais sur le dark web. Hélas, l'objet de collection s'avère être un faux qui se brise en deux temps trois mouvements. 

Pris de rage, car, à l'époque moderne, il n'est pas de plus juste courroux que celui de la personne qui, sur le web, a acheté à son insu un truc en toc, notre héros part au Japon pour se venger des yakuzas qui ont abusé de sa crédulité. 

Ce qui n'était au début qu'une simple expédition sanglante et vengeresse se transforme très vite en une quête des origines où, au contact de sumotoris sensibles et de yokais goguenards, le jeune homme va découvrir qu'il est peut-être l'élu dont parlent d'anciennes prophéties



Mon avis :

L'auteur nous embarque dans un road movie international tumultueux entre fables des temps modernes et thriller haletant. 

Comment se conduire lorsque l'on est un jeune homme mal dégrossi, introverti,  arnaqué par un vendeur en ligne installé à l'autre bout du monde ? 

Le héros spolié crie haro sur les yakusas qui l'ont pris pour un lapin de six semaines. Il décide de leur demander réparation sur place jusqu'à leur faire rendre gorge s'il le faut, avec le concours inattendu d'un grand-père d'outre-tombe et d'un médecin repenti de la mafia.

J'étais prévenue du non-conformisme de l'auteur, de son écriture trash, pétulante, vive ; je me suis laissée emporter par l'humour, les personnages dont l'outrance n'a pas de bornes et l'histoire qui vous capte jusqu'à l'épilogue. 

Romain Ternaux nous offre une fable impossible à quitter tant les rebondissements sont nombreux, improbables, délirants. L'action y est omniprésente. L'anti-héros persuadé d'être un être d'exception s'acoquine avec un médecin toxicomane, un sumo attaché à une armure ancestrale, pour sauver celle qu'il aimerait voir devenir sa dulcinée et obtenir compensation de son préjudice. Un grand-père et un Okaï pour superviser et interférer dans toutes les péripéties que le pauvre garçon va nous faire vivre.

L'auteur réalise la prouesse de livrer une histoire totalement déjantée qui donne tout de même envie de savoir comment le héros peut s'en sortir après tant d'événements invraisemblables. 

Ce livre est un remède à la morosité.


LA SOMME DE NOS VIES _ Sophie ASTRABIE

 LA SOMME DE NOS VIES

Autrice : Sophie Astrabie

Aux Editions Poche - 384 pages

Camille, jeune fleuriste qui rêve sa vie, visite des appartements qu'elle n'a aucune intention d'acheter.
Marguerite, quatre-vingt-sept ans, met en vente son appartement qu'elle s'est pourtant juré de ne jamais quitter.
Derrière leurs fenêtres qui se font face, dans cette rue parisienne, la vie de l'une n'apparaît à l'autre qu'en reflet. Les mensonges de Camille à son entourage et les secrets de Marguerite enfouis soigneusement depuis l'enfance se croisent et se répondent.
Comment prendre sa vie à bras-le-corps quand on a décidé d'en vivre une autre ?




Mon avis :


Ce roman est une ode à la solidarité intergénérationnelle. Un joli portrait de femmes, Adélaïde, Marguerite, Camille.

Parfois les parents projettent leurs regrettés projets sur leur progéniture sans que cela ne prête à conséquence. Parfois, seulement. Pour d'autres, se laisser enformer dans l'avenir tout tracé est une facilité qui se paie plus tard.

Camille a compris très tôt qu'elle ne serait pas médecin. Au gré d'un petit boulot, elle s'est forgée la conviction que les fleurs seraient sa vie. Comment le faire accepter à une famille qui la voit s'épanouir au barreau.

L'autrice nous fait vivre la rencontre de personnages fragilisés par la solitude mais rayonnant du tour qu'ils jouent à la vie.

"La somme de nos vies" est un aussi réconfortant qu'un chocolat chaud surmonté de crème fouetté, à déguster lentement pour en apprécier toute la saveur délicate.

Je découvre avec bonheur cette autrice avec ce roman qui nous rappelle que chacun a sa fleur de prédilection, peu importe que les conventions lui donnent un rôle défini, comme pour les chrysanthèmes. Il suffit de s'autoriser à les aimer.

Sophie Astrabie nous offre un roman "feel good" bien écrit, sur des thèmes de fond qui parlent à chacun.