NOUS ETIONS LE SEL DE LA MER

Nous étions le sel de la mer         350 pages
De Roxanne Bouchard  Aux Editions VLB Editeur

« C'est Vital. Ça a l'air qu'il a ramassé un cadavre dans ses filets. Il l'a dit dans sa radio. Tu veux qu'on t'en raconte, des histoires de marins ? Reste avec nous autres pis tu vas en voir, la p'tite ! »

Ce matin-là, Vital Bujold a repêché le corps d'une femme qui, jadis, avait viré le cœur des hommes à l'envers. En Gaspésie, la vérité se fait rare, surtout sur les quais de pêche. Les interrogatoires dérivent en placotages, les indices se dispersent sur la grève, les faits s'estompent dans la vague, et le sergent Moralès, enquêteur dans cette affaire, aurait bien besoin d'un double scotch.


Mon avis :  

Voilà, je viens de refermer le livre de Roxanne Bouchard et pourtant j'aimerai encore être dans la galerie de Vital posée dans la chaise berçante à essayer de comprendre pourquoi tous ces garçons sont tombés amoureux de Marie Garant. Pourquoi, ils se sont tus tous au fil des drames.

Quand à l'inspecteur Moralès, fraîchement débarqué en Gaspésie, dans cette Baie des Chaleurs, où tout le monde se connaît et s'emploie à le perdre. Abandonné par Sarah, le questionnement sur son couple, sa vie, va-t-il le laisser se convaincre de la mort accidentelle de Marie.

Catherine a raté son rendez-vous avec sa mère mais connaîtra-t-elle son père ? Cyrille l'a-t-il réconciliée avec cette mère rebelle appelée par la mer comme tout marin qui ne se trouve à sa place que sur les flots ? Même si, aux yeux de tous, ce virus-là ne peut toucher que les hommes.

Tout dans ce livre vous fait embarquer et perdre la terre. Le maître mot de cette narration : émotions.

J'ai aimé l'intrigue, 
les personnages, les lieux, les expressions qui m'étaient inconnues, l'humour, les amoureux, la force de leur amour, leurs blessures et leurs peurs. Chacun a pris intensément vie, sortis de la platitude du papier. J'ai été amenée là par l'auteure dont la force de l'écriture, la poésie des descriptions même dramatique ont fait que moi aussi, comme Jérémie le grand amérindien, je suis restée là quelques instants à contempler l'horizon à me demander si Joaquin retrouvera la paix, si Catherine trouvera l'amour sur son cap... C'est pour ce genre de livre puissant, marqué par la beauté du texte, que j'aime la littérature.




L'AIR Le Refuge des Héritiers

L'AIR Le Refuge des Héritiers     
de Alexandra A. Touzet aux Editions d'Utoh

La forêt d’Utoh est le refuge de créatures mystérieuses depuis des millénaires.

Annabelle Quibem l’ignore lorsqu’elle décide de s’y installer. La jeune femme, discrète et solitaire, quitte tout pour commencer une nouvelle vie, sur cette presqu’île du bout du monde qui l’attire inexplicablement.

Pour elle, c’est un retour à la nature, un repli bienfaisant face à un monde dans lequel elle ne s’est jamais sentie vraiment à l’aise. Et pour cause : elle n’est pas tout à fait “ordinaire”. Est-ce un hasard si ses yeux reflètent avec une telle intensité la lueur dorée caractéristique des habitants de la forêt ?

Son arrivée va bouleverser l’équilibre d’Utoh. Pour le pire… Ou le meilleur…


Mon Avis

Les humains recensent 4 forces naturelles qui les entourent : l'Eau qui les abreuvent, l'Air qu'ils respirent ; le Feu qui les réchauffent et la Terre qui les nourrit et les portent.

Lucas et Annabelle sont deux personnages solitaires très proches de leurs environnements. Lucas est le bras droit de son père à la scierie, nulle part il ne se sent mieux qu'au sein de sa communauté d'Utoh et de la forêt qui jouxte le village.
Annabelle est l'étrangère au regard si particulier, solitaire et timide, arrivée un bon matin, attirée par cette forêt et la presqu'île toute proche. Elle limite ses apparitions au village et travaille à domicile. Qu'est-ce qui pourrait rapprocher ces deux protagonistes sinon l'amour de la forêt et la conviction qu'ils sont différents sans pouvoir se l'expliquer. Est-ce cela tomber amoureux : se reconnaître en somme ?

Victor et son père vont venir jeter le trouble dans cette aventure hors du commun qu'est la vie dans la congrégation de Lucas et de ses compagnons au regard si caractéristique.

J'ai été happée pour le récit de cette lutte pour la sauvegarde de la forêt qui telle celle de Brocéliande est habitée à ses heures par des créatures que le lieu magique abritent.

L'épilogue ouvre de nouvelles perspectives à ce conte moderne qui vous rappelle qu'il ne faut pas seulement chérir et se battre pour les gens que l'on aime mais aussi pour la planète qui nous permet de nous épanouir. Un joli moment de lecture. Merci Les Éditions Encre Rouge pour cette belle découverte !


RURAL NOIR



RURAL NOIR de Benoît Minville     244 pages
Aux éditions Série Noire GALLIMARD


Ados, Romain, Vlad, Julie et Christophe étaient inséparables, ils foulaient leur cambrousses dans l'insouciance.

Tout a changé cet été-là. Un drame, la fin de l'innocence. Après dix ans d'absence, Romain revient dans Nièvre désertée, chamboulée par la crise, et découvre les différents chemins empruntés par ses amis. 
Oscillant entre souvenirs de jeunesse tendres ou douloureux et plongée nerveuse dans une réalité sombre, Rural Noir est la  peinture d'une certaine campagne française. Un roman noir à la fois cruel et violent, mais aussi tendre et lumineux ; évoquant la culpabilité, l'amitié et la famille.

Dans la tradition du country noir américain, territoires ruraux et laissés-pour-compte côtoient ceux dont on parle peu au milieu d'une nature "préservée"-ou en friche.

MON AVIS

Noir, mais habité de personnages portant des fêlures cachées qui les rendent si humains. L'histoire nous est contée entre passé et présent au creux de la campagne bourguignonne en pleine crise : Les usines ont fermé, la F1 a quitté Magny-Cours, les petits commerces se meurent.

Le gang constitué de quatre ados : Romain, Chris : les frangins puis Vlad et Julie. Tous quatre vivent dans la campagne Nivernaise avec en marge de leur groupe, Cédric, incontournable. Rom le Général, Vlad le captain : «Jumeaux dans leurs démonstrations d'amitié fraternelle», Chris le petit frère et Julie la copine qui quand elle leur passe une soufflante est impressionnante mais belle comme un coeur aussi. Tout bascule l'année de leurs 14 ans, les garçons, toutes hormones bouillonnantes, grandissant entre Dirty Dancing et Rocky , berçés par Overkill de Motorhead, vont faire des choix, hors champ des adultes, pour ce qui leur semble juste à ce moment-là, mais qui les accompagnera dans leurs vies futures.

Nous sommes construits de la somme de nos choix et de ceux que nous n'avons pas su faire… Il faut assumer les adultes que nous sommes devenus et pour cela parfois nous confronter au passé. Benoît Minville nous invite à suivre ce parcours quasi initiatique du passage de l'enfance à l'âge adulte des 4 compères liés par une amitié qui reste indéfectible, malgré le temps passé, jusqu'à ce que l'équilibre fragile dans lequel ils vivaient n'explose. Captain Vlad a viré Dark Vlador, Rom voit son ex-amour de jeunesse épanouie au creux des bras de son petit frère… Cédric, toujours aussi bizarre est devenu l'ombre de Vlad.

Si une BO devait accompagner ce récit noir d'une vie rurale où la jeunesse a fuit, où le désoeuvrement est roi où le business illégal a permis la survie de quelques emplois, on entendrait certainement : Starway to Heaven, Smoke on the water et Higway to Hell à l'acmé de la narration. 

On n'imagine pas l'issue de ce superbe roman noir, la tension monte et vous éperonne au fil de la lecture. Je n'ai pas décroché et l'ai dévoré en deux petites journées…. Je vous le conseille donc vivement et comme Benoît Minville vous y invite, le livre s'y prête : Rock'n'read !