mardi 18 juin 2024

LES VOLEURS D'INNOCENCE de Sarai WALKER

 

LES VOLEURS D'INNOCENCE 

Autrice : Sarai WALKER

Il était une fois dans les années 1950 six jeunes filles aux doux prénoms de fleurs – Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel – qui vivaient avec leurs parents dans l’opulence d’une grande bâtisse victorienne. Mais ceci n’est pas un conte de fée : c’est l’histoire de la malédiction des sœurs Chapel.
Tout commence pourtant bien : par une noce. Mais à peine est-elle mariée, que la sœur aînée meurt mystérieusement, laissant sa famille en état de choc. Puis la deuxième connaît le même sort. Quel malheur pèse sur les Chapel ? Belinda, la mère à l’esprit torturé, hantée par les fantômes, semble pouvoir prédire leur funeste destin. Mais peut-on se fier à ce qui sort de son cerveau embrumé ? Quant à Iris, la cadette, elle est bien décidée à survivre. Quitte à devoir faire un bien sombre choix.
Roman aux accents gothiques, Les Voleurs d’innocence est l’histoire poignante de jeunes femmes déterminées à échapper à leur destin.


Mon avis :

Une maison bourgeoise en forme de gâteau de mariage. Un couple, six filles prénommées Aster, Rosalind, Daphné, Calla, Hazel dites Zélie et Iris.

Les filles ont leur aile dans la maison. Monsieur Chapel, lui, s'adonne à un business qui peine un peu au début des années 50, après les années fastes de la guerre. Il fabrique et vend des armes à feu.

Belinda, la mère, ne sort que pour se rendre au jardin. Elle déteste son époux. Elle est totalement habitée par une peur transmise par les femmes de la famille qui l'ont précédé. Elle met en garde ses filles contre la malédiction Chapel. Elles mourront, si elles se marient.

Les fantômes de Belinda et d'Iris symbolisent-ils les hommes qui en les épousant les aspirent, les obligent à s'oublier pour fonder un foyer au centre duquel ils s'épanouiraient sinon pourquoi prendre épouse. Monsieur Chapel a rappelé à Belinda quel était son devoir, qu'elle le veuille ou non. Six filles en ont été conçues.

Ce roman d'ambiance, allégorique, est addictif parce qu'il plonge le lecteur dans le noir destin de ces femmes que l'on pourrait envier, confortablement installées dans des maisons bourgeoises, aidées d'une domesticité, mais sans plus d'importance qu'un meuble que l'on remise s'il dérange.

Sarai Walker nous propose une vision de la vie des femmes dans les années 50, sans outrance envers les hommes, avec délicatesse, soulignant simplement les renoncements qu'ils imposent aux femmes : études, aspirations artistiques. Tout ce qui constitue une individualité leur est nié au profit du foyer, du réconfort qu'elles doivent apporter à leur époux. 

Une atmosphère sombre et mystérieuse, une écriture digne des grandes autrices de Jane Austen à Daphné du Maurier, un roman délicatement féministe et engagé que l'on peut lire comme tel, ou choisir de n'en voir que l'aspect roman à suspense, selon son inspiration.




lundi 17 juin 2024

LE DIPLÔME de Amaury BARTHET

 

LE DIPLÔME

Autrice : Amaury BARTHET

Aux Éditions Albin Michel

Pour réparer l'injustice, a-t-on le droit à l'imposture ?
Jeune, intelligente, Nadia a toutes les compétences pour réussir. Il ne lui manque qu'un diplôme pour en attester et lui ouvrir les portes d'un avenir meilleur. Conquête pour certains, droit inné pour d'autres, ce sésame agit ici comme le révélateur d'un vaste mensonge érigé en système. Guillaume, prof de banlieue désabusé, va lui en offrir les clés. Mais si le mérite se monnaie au même titre que le sexe, le pouvoir et les idéaux, quel est le prix à payer ?
Amaury Barthet orchestre le récit d'une revanche à double tranchant, mêlant critique sociale et fable philosophique. Un premier roman dérangeant, cruel et drôle qui dénonce les faux-semblants de la société.


Mon avis :


Qui n'a pas regretté qu'on ne lui ait pas laissé sa chance, sans avoir recours au sempiternel diplôme, pour la sélection du meilleur candidat ?

Guillaume, professeur de banlieue maussade, n'a plus le feu sacré depuis bien longtemps. Sa compagne Cécile le quitte. Son frère a réussi, une carrière, une épouse, Éva, également carriériste, un appartement digne d'une revue spécialisée, aucune faute de goût. Un diplôme HEC accroché comme un trophée au mur de son salon.

Une introspection s'impose pour Guillaume. La première étape de sa reprise en mains, la salle de sports. Sa rencontre avec une jeune femme brillante, Nadia, va tout faire basculer. Lui, le passe-partout a retenu son attention. 

Ce personnage m'a fait penser à Jean-Pierre Bacri, oxymore vivant du sens de la fête. Guillaume, c'est un peu cela, un homme triste qui a envie de mordre la vie à pleine dent avec Nadia, jeune vendeuse chez Zara, autodidacte, intelligente mais pas assez diplômée pour un meilleur poste.

Amoureux, il va repousser les limites pour cette jeune femme qui a les compétences mais pas le diplôme pour vivre l'ascension sociale de ses rêves. Qu'à cela ne tienne, Guillaume va arranger cela.

Amaury Barthet croque des personnages bien campés, avec sagacité, d'une pointe d'humour et de sarcasme, décrit une société où le diplôme est le viatique absolu d'une réussite sociale. Être reconnu par ses pairs est bien plus important que la compétence attendue. 

Ainsi, le mérite, l'évaluation des compétences, ne passe que par l'obtention du diplôme chèrement vendu par des écoles inaccessibles à qui n'a pas la chance d'être bien né comme Nadia. C'est ainsi qu'en preux chevalier, Guillaume décide de offrir à Nadia l'ouverture pour qu'elle se réalise, comme une revanche sur sa propre frustration.

Anaé, jeune étudiante ambitieuse, engagée et libre, va perturber leur équilibre au moment où la carrière de Nadia prend son essor. 

Des ambitions déçues des uns et des autres aux arcanes politiques, l'auteur nous donne à réfléchir sur les attendus de l'époque, l'accès quasi impossible pour les élèves brillants mais désargentés aux "grandes écoles". Tout est fait pour que l'élite vive pleinement l'entre-soi.

Un premier roman qui ne laisse pas indifférent.

 

mardi 11 juin 2024

UN SIMPLE DINER de Cécile TLILI

 

UN SIMPLE DÎNER

Autrice : Cécile TLILI

Aux Éditions CALMANN LEVY

Un soir de canicule, en août à Paris, deux couples se rejoignent pour dîner. La soirée aura lieu chez Étienne. Claudia, sa compagne, d’une timidité maladive, a cuisiné toute la journée pour masquer son appréhension. Johar et Rémi, leurs invités, n’ont pas l’esprit tranquille non plus. Autour de la table, les uns nourrissent des intentions cachées tandis que les autres font tout pour garder leurs secrets. L’odeur épicée d’un curry, une veste qui glisse d’un fauteuil, il suffit d’un rien pour que tout bascule.
Avec ce huis-clos renversant, Cécile Tlili interroge la place des femmes dans la société et tisse, avec délicatesse, une ode à l’émancipation et à la liberté.


Avis :

Roman dévoré !

Étienne invite un couple d'amis, Rémi connu sur les bancs de la Fac et son épouse Johar, promise à une promotion potentiellement bien utile.

La relation de couple, l'amitié, la carrière, les femmes et leur rôle dans la société, autant de thèmes abordés au travers d'un dîner qui se voulait amical, pas la caricature d'une ascension espérée pour l'un et rejetée par l'autre.

On plonge dans une atmosphère tendue au cours de cette soirée d'été, dans un appartement parisien où les protagonistes n'ont aucune envie d'être finalement. Chacun ayant une aspiration différente des autres, des attentes, des frustrations, un désespoir latent de ne pas voir la vie leur apporter ce qu'ils espéraient.

Une amitié et des amours érodées par le quotidien. Des personnages formatés par leur condition sociale, celle dont on veut s'élever, ou celle qui vous trace le chemin. 

Il est impossible de quitter le dîner de Cécile Tlili avant qu'elle ne vous dévoile son huis clos, intense et addictif, bien ficelé, où chaque protagoniste livre sa partition pleinement pour donner corps à un avenir à redéfinir.

Un menu épicé à souhaits que l'on déguste jusqu'à la dernière page. Un roman à découvrir absolument.