vendredi 28 mars 2025

CAMERA OSBCURA de Gwenaëlle LENOIR

 

Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d'autres, et d'autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu'il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s'abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n'a jamais remis en cause l'ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n'est pas prudent.
Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d'un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. De sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.


MON AVIS :

Gwenaëlle Renoir parvient à mêler la dureté factuelle des scènes de guerre avec une poésie brute et saisissante. Son écriture, à la fois réaliste et poétique, nous plonge dans l'âme tourmentée du photographe, qui lutte pour trouver un sens à l'horreur qu'il capture. "Camera Obscura" est un roman puissant qui nous rappelle l'importance de témoigner, de ne pas détourner le regard face à l'indicible.

L'autrice entre dans le coeur du photographe. Elle nous délivre les dilemmes qui l'habitent. Ne pas laisser les morts disparaître, témoigner des atrocités qu'ils ont subis "ce qui n'est pas prudent", préserver sa famille. Fuir ou rester. Résister pour témoigner de l'horreur d'un régime totalitaire qui tue sa population pour asseoir son pouvoir.

L'amour d'Ania, des enfants, le soutien de ceux qui n'ont pas la voix pour s'exprimer mais qui mettent en place une résistance active, de l'ombre pour que soient mises en lumière toutes les exactions commises l'oblige à continuer ce qu'il a spontanément amené à faire des listes. Parce qu'il s'agit de listes...

Un roman à la plume juste pour donner une voix à ceux qui en ont été privés par une mort atroce, pour l'exemple, pour la justice, pour l'Histoire.

Une lecture d'une profonde humanité pour décrire l'absence de ceux, bras armés d'un dictateur, qui se sont perdus et ont laissés faire. "Ce n'est pas prudent" se dit-il, mais il ne peut détourner le regard.

"Le secret d'un homme... c'est la limite même de sa liberté. C'est son pouvoir de résistance aux supplices et à la mort." Jean-Paul Sartre.

Camera obscura devrait être étudier dans les écoles pour la délicatesse de l'écriture, pour l'exploration des mécanismes de la dictature, tout en étant accessible à un public de lycéens par exemple, pour leur permettre de développer une compréhension critique des enjeux humains et politiques contemporains.

lundi 24 mars 2025

UN AVENIR RADIEUX de Pierre LEMAITRE

 

UN AVENIR RADIEUX

Auteur : Pierre LEMAITRE

Aux Éditions CALMANN-LEVY

« Je viens sauver quelqu’un, se répétait-il, et maintenant qu’il se trouvait à deux heures de Prague, il sentait monter en lui une vive anxiété. »
Une échappée belle de Paris à Prague, d’un studio de radio à des ruelles hostiles, d’un cachot glacé à une académie de billard, d’une école de bonnes sœurs aux bureaux obscurs de la République.
Chacun des Pelletier, à son heure, devra choisir entre son intérêt et son devoir, et pour certains entre la raison du cœur et la raison d’État.
Un dilemme parfois déchirant, sauf pour le chat Joseph, qui lui a choisi depuis longtemps.
Passionnant, intense, bouleversant. Un grand roman de Pierre Lemaitre.
Les romans de Pierre Lemaitre ont été récompensés par de nombreux prix littéraires nationaux et internationaux. Après l’immense succès du « Grand Monde » et du « Silence et la Colère », il poursuit avec « Un avenir radieux » sa plongée mouvementée et jubilatoire dans les Trente Glorieuses.


Avis

Troisième opus de la tétralogie de Pierre Lemaitre, "Un avenir radieux" nous plonge dans les années 60, en pleine guerre froide.

Jean et Geneviève, parents de Colette et Philippe, sont entrepreneurs ambitieux. François est journaliste, Nine son épouse est experte en reliure. Enfin Angèle, sœur de Jean et François.

Louis et Angèle, leurs parents, rentrés de Beyrouth, sont des entrepreneurs émérites désormais à la retraite. De retour en France, installés à la campagne, ils louent le courage de leur voisin agriculteur M. Macagne. Parents de Jean, éternel second, de François et d'Angèle, enceinte dans ce nouvel opus. Lambert et elle forment un couple effacé : elle, en Menie Grégoire, et lui, dans l'ombre de son épouse.

Pierre Lemaître nous montre où se situe le courage et les petites veuleries de chacun des personnages qu'ils soient membres de la famille ou responsables du contre-espionnage. La guerre froide, les manipulations et petits arrangements de certains avec la réalité au profit de l'ambition sont au cœur de l'intrigue.

De Jean dit Bouboule à François, de Geneviève à Nine, chaque membre de la famille tente de vivre ses déceptions, d'atteindre ses aspirations, d'être à la hauteur des attentes des autres.

Entre réalisme et fiction, l'auteur aborde des thèmes tels que le besoin de reconnaissance, l'amour filial, la réussite sociale, la pédo-criminalité, les meurtres impunis. La scène de violence sexuelle, développée de manière presque insupportable et rappelée par la suite pour souligner le traumatisme subi, m'a particulièrement heurtée.

Ce n'est pas seulement cette scène qui m'a empêchée d'adhérer pleinement à la promesse d'un avenir radieux, mais le manque de romanesque attendue dans une saga. Peut-être que tout le roman tend à démontrer l'espoir de chacun d'atteindre cet avenir radieux, ce qui nous tient en haleine jusqu'à l'épilogue. 

Bien qu'il y ait du suspense, de l'action, paradoxalement, dans ce troisième volet de la vie de la famille Pelletier, il m'a manqué quelque chose d'indéfinissable pour l'apprécier pleinement.

Cependant, les relations familiales au cœur du roman captivent totalement. L'envie de connaître le sort de Geneviève, Philippe, François, Bouboule, Louis et Colette m'a tenue jusqu'à l'épilogue.