mardi 14 octobre 2025

CHRONIQUE DE LES VÉRITÉS PARALLÈLES de MARIE MANGEZ

 

LES VÉRITÉS PARALLÈLES

Autrice : MARIE MANGEZ
Aux Éditions : FINITUDE

Depuis tout petit, Arnaud rêve de devenir grand reporter. Devenu le journaliste-vedette d'un hebdomadaire de renom, il reçoit le prestigieux prix Albert Londres pour ses reportages passionnants. Prenant ses distances avec la déontologie, il joue avec le réel et l'imaginaire, mais lorsque ses collègues s'interrogent, Arnaud voit sa carrière et sa famille menacés par un scandale inévitable.




Mon avis

« Les vérités parallèles – Marie Mangez : chronique d’un imposteur sincère entre solitude et fiction »

Et si l’imposture d’Arnaud Daguerre n’était pas un mensonge, mais une tentative désespérée de combler une enfance sans tendresse ? Dans Les vérités parallèles, Marie Mangez explore les failles d’un homme que ses parents ont élevé comme on coche une case, sans chaleur ni regard. Arnaud n’a pas été désiré pour lui-même, mais pour répondre à une norme sociale, celle de transmettre. Très jeune, il se réfugie dans les récits journalistiques, ces mondes d’aventures qui lui permettent de rêver une vie plus vibrante que la sienne. Ce n’est pas l’ambition qui le pousse, mais le besoin de plaire, de se sentir exister dans les yeux des autres — mentor, lecteurs, épouse.

Le roman nous plonge dans la tête d’un imposteur sincère, rongé par l’angoisse de la performance et la peur d’être démasqué. Arnaud invente, enjolive, brode avec quelques lambeaux de réel. Il ne cherche pas à tromper, mais à répondre à une attente. 

« Il ne peut pas savourer le pouvoir de ses mots, céder — parfois — à la douce griserie de savoir les personnages exister dans l’esprit de quelques milliers de lecteurs, de savoir que pour ces lecteurs, la matière qui jaillit de sa tête devient réalité. » Marie Mangez, Les vérités parallèles

Abandonné par ceux qui lui ont offert cette vie comme un palliatif à une solitude infinie, Arnaud Daguerre se retrouve face à lui-même, sans filet. Rudy, son Jiminy Cricket sombre, ne le quitte jamais vraiment, lui rappelant son funambulisme permanent, cette marche sur le fil entre fiction et vérité.

Mais au fond, Arnaud est désespérément seul. Il n’a pas choisi la violence pour échapper à la honte, comme d’autres imposteurs tragiques. Il n’a pas tué, il a simplement chuté. Et dans ce miroir brisé qu’est devenu sa vie, que restera-t-il de lui ? Peut-être cette sincérité paradoxale, cette fragilité bouleversante, et ce besoin d’amour jamais comblé, qui font de ce roman aussi troublant que profondément humain.

Ce qui frappe aussi dans ce récit d'une chute annoncée, c’est le silence assourdissant de tous ceux qui auraient pu voir les failles. Les journalistes sont censés être « rattrapés par la patrouille », le droit de réponse existe pour pointer les zones d’ombre. Pourtant, durant des années, aucune association, aucun lecteur, aucun collègue n’a mis le doigt sur les incohérences des articles si bien ficelés du bel Arnaud Daguerre. Comment expliquer cet aveuglement ? La crédibilité construite par le talent, la reconnaissance d’un prix prestigieux et, sans doute la logique économique des ventes ont anesthésié la vigilance. Et lorsque la vérité éclate, le journal préfère jeter Arnaud en pâture à la vindicte publique plutôt que d’assumer sa part de responsabilité. Une mécanique implacable, où l’homme devient le bouc émissaire d’un système qu’il a longtemps servi.

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