CLIENT MYSTÈRE
Auteur : Mathieu LAUVERJAT
Aux Éditions SCRIBES
Alors qu’il pédale comme un dératé dans les rues de Lille pour livrer toujours plus de repas chauds, le narrateur de Client mystère est percuté par une voiture. S’il sort de l’accident sain et sauf (avec un bras mal en point), il se retrouve néanmoins « indisponibilisé » par les algorithmes de l’application pour laquelle il travaillait. Et donc, sans ressources.
C’est alors qu’il entend parler d’un métier curieux : les « clients mystères », des particuliers mandatés par les entreprises pour jouer aux clients afin d'évaluer les performances des employés à leur insu. Notre héros devient donc l’un de ces hommes invisibles à la solde du management contemporain.
Client mystère dépeint avec tension et vivacité le monde du travail au temps de l’ubérisation : dictature de l’algorithme, culte de l’efficacité, déshumanisation progressive des interactions sociales, consumérisme débridé… autant de thématiques explorées dans ce roman, récit d’un passage à l’ennemi – avec toutes les conséquences que cela peut entraîner.
Mon avis :
Totalement inattendu, ce roman est, me semble-t-il, un mixte entre roman et témoignage. L'histoire proposée par Mathieu Lauverjat saisie par son réalisme. Qui, après une expérience culinaire, n'a pas pris son portable pour noter l'établissement ? Saurait-on vivre sans au moins y penser ?
Le livreur de pizza devenu Client Mystère se prend totalement au jeu du challenge. Chaque jour, son shoot d'adrénaline et les points à gratter sur la concurrence lui donnent une raison d'avancer. Jusqu'à l'accident.
Ce roman ne m'a pas embarqué, trop de situations répétées pour me rendre sympathique ce personnage un peu cynique. Le narrateur, malgré son enthousiasme premier pour ce rôle encore plus anonyme que celui de livreur, se retrouve confronté à une réalité où l'efficacité et la rentabilité priment sur l'humain.
Ce monde où les individus ne sont que pions sur l'échiquier d'un système impitoyable, où la quête de la performance n'a de limite que celle de l'acceptabilité par le personnage de son anonymisation totale.
Ce roman nous interroge sur les conditions de travail, la place de l'humain dans une société qui, à force d'automatisation isole toujours plus.
Le style de Mathieu Lauverjat est immersif, effréné, tendu, en reflet de la vie de son personnage. Le jargon managérial et les anglicismes soulignent la déshumanisation progressive du protagoniste. Les situations sont parfaitement décrites avec une précision quasi documentaire, rendant le récit instructif et probablement, pour ceux qui ont été sensibles, captivant.
Ce roman n'était pas fait pour moi. Néanmoins, il est extrêmement bien construit pour mettre en lumière les dérives de l'ubérisation. L'auteur nous offre une perspective unique sur la précarité, tout en mettant l'accent sur les défis et les absurdités de ce système.
Je n'ai pourtant pas su le quitter avant l'épilogue. L'auteur maintient l'intérêt du lecteur dans l'attente de connaître les choix du protagoniste.