dimanche 25 mai 2025

AU CABARET DES OISEAUX ET DES SONGES de Eric Poindron


 AU CABARET DES OISEAUX

ET DES SONGES

Auteur : Eric POINDRON

Aux Éditions LE PASSEUR

Une réflexion vagabonde et un "roman d`escapades" par " un fou de mots et de poésie " campant aux frontières du rêve et de la fantaisie." Je suis un casanier qui a la bougeotte ; je marche donc je suis. Je suis sur la trace de mes traces. " La question reste entière : qu`est-ce qu`un voyage ?
Voilà ce que nous sommes, des enfants, un peu robinsons, un peu " bandits ", découvrant perplexes le monde et émerveillés par l`estran. Nous revenons du voyage chargé de rencontres foudroyantes parfois, d`émotions essentielles (le froid, le mal, la lumière) et de phrases à fabriquer. Dans ces phrases, il faut essayer d`offrir à l`autre cette précieuse récolte. C`est à la fois une ambition et une obsession. Le moindre chemin possède un rythme cardiaque et son histoire à raconter. Alors celui qui s`en approche endosse parfois le costume du scribe ou du confesseur. Ainsi, sous forme de confessions et de fictions entremêlées, dans des textes courts et percutants, Éric Poindron nous emmène en voyage : dans l`enfance, en Europe, sur les chemins buissonniers, dans sa bibliothèque, chez les écrivains voyageurs et à travers les siècles. L`auteur du livre Le Voyageur inachevé sait qu`un voyage est toujours inachevé. Aussi, inachevons-nous les uns les autres.


Mon Avis :


Eric Poindron est de ces auteurs que l'on imagine à la veillée vous conter ses rêves mélancoliques émerveillés.

Un peu Méliès, magicien des images qu'il vous souffle à l'âme, un peu Charlot pour dire avec tendresse et détermination la brutalité du monde, un peu écumeur de chemins pour les rencontres offertes, un peu Magicien d'Oz pour tracer un chemin poétique,  vers une destination inconnue : l'avenir.

L'auteur nous offre une déambulation dans sa vie d'homme né poète absolument. Ses amitiés forgées de rencontres avec les fantômes qu'il aurait aimé rencontrés, celles bien ancrées qui accompagnent son récit d'agapes épicuriennes, de petits riens qui font tout.

Ce récit truffé de références littéraires, de personnages célèbres ou anonymes, n'est pas facile mais il est tellement doux de se glisser dans ses pages, de sourire, de soupirer au tragique perte que la vie nous inflige, d'espérer que les amis de trente ans qui vous suivent auront ses mots pour dire le manque, les souvenirs. Ne croyez pas lecteur, que ce livre est triste, impossible, parce que certaines scènes sont affabulées, fantasmées, en réalité les mots sont touchants du réel à la magie.

Ce roman est un voyage intérieur à la recherche de l'enfant qui sommeille en nous. Magique et complexe, il faut s’y plonger et se laisser emporter, au creux des mots choisis par l’auteur, pour une déambulation nostalgico-heureuse.

Eric Poindron nous embarque dans un voyage intime à la recherche du temps passé, jamais perdu car empreint d'émerveillement. À sa lecture, une douceur réconfortante s’installe : les souvenirs, parfois teintés de tristesse, souvent embellis d’une magie-nostalgie poétique, loin d’être figés, continuent à nous nourrir et à éclairer tendrement le présent.

Milan Kundera évoque parfaitement ce que me suggère l'errance poétique de l'auteur qui n'a d'autre ambition que de nous offrir une porte vers la poésie qui nous entoure tant auprès de nos amis de coeur perdus, que par la flânerie d'un coeur ouvert : "La vocation de la poésie n'est pas de nous éblouir par une idée surprenante, mais de faire qu'un instant de l'être devienne inoubliable et digne d'une insoutenable nostalgie".

À l’image des sculptures de Catalano, où le voyageur se laisse traverser par les éléments—nuages, lumière, vent—Eric Poindron avance, porté par les rencontres et les songes, chaque instant gravé en lui comme une empreinte fugace du monde.

mardi 13 mai 2025

BIENTOT LES VIVANTS de Amina DAMERDJI_

 

BIENTOT LES VIVANTS

Autrice AMINA DAMERDJI

Aux Éditions Gallimard

« Aïcha courut à travers le village. Ses jambes tremblaient et son cœur battait si fort qu’il semblait vouloir sortir de sa poitrine. Elle connaissait le mot, dhabahine, les égorgeurs. Dhabahine, dhabahine ! »
Algérie, 1988. Après les premières émeutes sauvagement réprimées, le mouvement islamiste montre sa puissance grandissante. La jeune Selma vit dans la proche banlieue d’Alger. Elle n’a qu’une passion, l’équitation, qu’elle pratique dans un centre non loin du village de Sidi Youcef, où se déroulera en 1997 l’un des épisodes les plus atroces de la guerre civile. Elle consacre tout son temps libre au dressage d’un cheval que tout le monde craint, tandis que les déchirements de l’histoire traversent sa famille comme toute la société algérienne : certains sont farouchement opposés aux islamistes, d’autres penchent pour le FIS, d’autres encore profitent du chaos pour s’enrichir… C’est dans ce contexte tragique que Selma apprendra à grandir, trouvant dans la relation avec son cheval et avec la nature un antidote à la violence des hommes. Bien que le martyre du village de Sidi Youcef éclaire d’une lumière terrible les trajectoires des divers personnages, ce roman reste constamment chaleureux et humain.


Mon avis


Plongée dans l'ombre et la lumière de l'Algérie

De 1988 à 1997, l'Algérie traverse une décennie de ténèbres, où la lutte pour le pouvoir oppose le Front Islamiste du Salut, le Groupe Islamique Armé et le régime en place. Dans ce chaos, la violence s'impose, implacable, tissant une toile de peur et d'incertitude parmi les populations.

Selma, fille de médecin, trouve refuge dans une passion : l'équitation. Mais ce n'est pas un simple loisir—sa fascination pour Sheïtane, un cheval maltraité et indomptable, me semble être une métaphore de sa propre lutte face à un monde qui vacille. Entre les déchirures familiales et l'attirance qu'elle éprouve pour Adel, le jeune palefrenier de Sidi Youcef, elle est au cœur des bouleversements de cette Algérie fracturée.

Amina Damerdji donne vie à ses personnages avec une finesse remarquable. Tous sont traversés par une part d'ombre, tiraillés entre la survie, la peur et leurs aspirations profondes. L'autrice tisse une atmosphère immersive où chaque scène oscille entre violence brute, éclats de lumière.

Le contraste est saisissant : dans la forêt, à l’abri du carnage, Selma et Maya assistent à une scène insoutenable. Le massacre d’une famille, l’horreur portée à son paroxysme. Puis, le silence—ce moment suspendu où Adel, le sabre encore ensanglanté, croise le regard de Selma sans un mot, avant de repartir. Ce regard, cet instant, cette hésitation... Une faille dans l’impitoyable mécanique de la guerre, une étincelle d’humanité dans le chaos.

Si la violence est omniprésente, elle n’éclipse pas tout. L’amour, la passion journalistique de Maya et équestre de Selma, la quête de sens, donnent à ces destins une profondeur bouleversante. 

Bientôt les vivants n’est pas seulement un roman sur la guerre, une époque, c’est un texte incandescent où la violence du conflit se mêle aux déchirures intimes, à ces relations marquées par l’amour et la haine, la loyauté et la trahison. À travers des personnages pris dans des choix impossibles—Brahim, médecin contraint de sauver son frère Hisham malgré leur opposition politique ; Adel, tiraillé entre son attirance pour Selma et la distance infranchissable entre leurs mondes—Amina Damerdji capte la complexité de cette dualité avec une écriture à la fois crue et lumineuse.


Si vous souhaitez consulter plus d'avis :

https://68premieresfois.wordpress.com/2025/02/27/bientot-les-vivants-de-amina-damerdji/

ou : https://www.babelio.com/livres/Damerdji-Bientot-les-vivants/1545938






samedi 3 mai 2025

LA DERNIÈRE LISTE DE MABEL de LAURA PEARSON, Une histoire de femmes intergénérationnelle

 

LA DERNIÈRE LISTE DE MABEL

Autrice : Laura Pearson

Aux Éditions de l'Archipel

Il n’est jamais trop tard pour s’ouvrir aux autres... et à soi-même.
À la mort de son mari Arthur, Mabel découvre l’ultime liste qu’il a dressée pour elle. Ou plutôt ce mot énigmatique : Trouver D.
Persuadée qu’il s’agit de Dot, l’amie dont elle était amoureuse soixante ans plus tôt avant d’épouser Arthur, et dont elle est depuis sans nouvelles, Mabel part à sa recherche.
Une quête qui va l’amener à remonter le temps, faire de belles rencontres et, surtout, caresser l’idée qu’il est peut-être encore possible de trouver le bonheur…
Grâce à la magie du bouche-à-oreille, ce roman de femme sur les femmes, original, sensible et émouvant, a conquis le monde anglosaxon, où il s’est vendu à plus de 400 000 exemplaires.
Pour la première fois traduite en français, Laura Pearson est l’autrice de sept romans. Elle vit en Angleterre dans la région de Leicester.


Mon Avis :

Laura Pearson a raison "la vie n’épargne personne", pourtant, il faut avancer, apprendre encore et toujours. Se reconstruire et parfois, regarder en arrière pour comprendre ce qui a été perdu. Le roman nous offre cette confrontation entre générations, entre passé et présent, entre ce que l’on n’a pas osé vivre et ce que l’on peut encore saisir.

Mabel, en rencontrant Erin, se voit peut-être dans un miroir qu’elle n’a jamais osé affronter. Elle comprend cette douleur d’être rejetée pour ce que l’on est, mais à son époque, elle n’a pas eu le courage de risquer le regard des autres. 

À travers une galerie de personnages de différentes générations, Laura Pearson tisse une histoire où les regrets murmurent sous les silences, où les liens se redessinent avec le temps et où l’amour—sous toutes ses formes—reste un combat. Mabel, Erin, Patty, Kirsty, Julie… Ces femmes, si différentes mais malgré tout liées par une quête commune, nous confrontent à une question essentielle : que serait-il advenu si elles avaient choisi autrement ? Une lecture qui interroge autant qu’elle émeut, rappelle que nous sommes la somme de nos choix.

Même si le message de fond de l'histoire que nous propose Laura Pearson est : il n'est jamais trop tard pour s'ouvrir aux autres et à soi-même, je ne classerai pas ce roman dans la catégorie feel-good. Les thèmes abordés sont profond : le deuil, la bienveillance, l'amitié, la sororité, les amours interdits par une société prompte à juger. Cependant, en filigrane de ces thèmes lourds, la note d'humour, la délicatesse de la plume, le ton empreint de gravité nous mène à un épilogue plein d'espoir.

À travers leurs parcours respectifs, chacune de ces femmes découvre qu'il est possible d'avancer, malgré les blessures et les doutes. Liées par cette force nouvelle, elles avancent ensemble, conscientes que leurs histoires—si différentes soient-elles—se rejoignent dans une même quête : celle du droit d’être soi, pleinement et sans concession. Car si la vie impose ses épreuves, elle laisse aussi entrevoir la possibilité d’une renaissance, à condition d’avoir le courage de l’affronter.

Laura Pearson nous rappelle avec finesse que le passé n’est jamais figé, et que chaque regard porté sur lui peut ouvrir une nouvelle porte vers l’avenir.Autorisons-nous à rêver en grand, la vie se charge parfois de restreindre le champ de nos possibles sans que nous le voulions.

Vous souhaitez d'autres avis, vous pouvez vous rendre sur le site : https://www.babelio.com/livres/Pearson-La-Derniere-Liste-de-Mabel/1820483

ou sur le site : Livraddict https://www.livraddict.com/biblio/livre/la-derniere-liste-de-mabel.html

jeudi 24 avril 2025

CONQUE de PERRINE TRIPIER, une fable politique et poétique.

 

CONQUE

Autrice Perrine Tripier

Aux Éditions Gallimard

« CONQUE : nom féminin, coquille en spirale servant d’instrument depuis des millénaires. Coquillage berceau et tombeau, où se niche, caché, le grain de sable. »
Quelque part dans un pays battu par le vent du large, Martabée, historienne de renom, est mandatée par l’Empereur sur un chantier archéologique qui vient de mettre au jour les vestiges des Morgondes, guerriers-marins millénaires, dont seuls les bardes avaient gardé la trace. Martabée est chargée de les étudier afin de redorer le roman national.
Pour entremêler sa gloire à celle du pays, Martabée excave des héros et des mythes, avec émerveillement.
Mais quelque chose murmure sous le sable froid. Un appel sourd, dissonant, qu’elle devra choisir de suivre ou d’ignorer.
Lorsque la lucidité prendra le pas sur l’ivresse et sur la vanité, qui choisira de voir, et qui s’aveuglera encore ?
Fable politique et poétique, ce deuxième roman de Perrine Tripier allie le mystère à la contemplation.
Dans cette Conque s’enroulent des énigmes, portées par un souffle épique.


Mon avis sur CONQUE :

Perrine Tripier nous propose un conte mythique uchronique percutant. L'écriture poétique se mêle à la critique sociale pour révéler des vérités intemporelles.

Une pointe de féminisme pour agrémenter le propos. Quelle place donne-t-on aux femmes toutes légitimes qu'elles soient dans leur domaine d'expertise ? Martabée va l'apprendre à ses dépens.

Un empereur ubuesque s'empare du mythe des Morgondes pour se glorifier des racines de guerriers puissants, d'une civilisation antique riche, unique dont la trace subsiste dans les berceuses et les contes des bardes. Il s'appuie sur des fouilles qui révêlent combien les Morgondes étaient valeureux pour asseoir son pouvoir, démontrer que son empire est glorieux de ses ancêtres.

Il choisit Martabée, l'historienne y voit un accomplissement, une reconnaissance. N'est-ce pas simplement une manipulation ? Martabée saura-t-elle rester intègre ou choisira-t-elle des petits arrangements avec la grande Histoire pour maintenir l'aura de cet empereur ogresque ? Bien sûr, l'empereur est à dessein caricaturé tandis que le peuple et ses élites semblent crédibles, contemporains.

Dans cette fresque uchronique, ciselée et vibrante, Martabée devra choisir entre la vérité et la lumière factice d'une gloire imposée, tandis que l'ombre du pouvoir manipulateur pèse sur chaque page.

La finesse des descriptions, le suspense latent qui ne fait que monter au fil des pages, font que vous ne pouvez quitter ce roman jusqu'à son épilogue.

Si vous souhaitez vous faire une opinion plus large sur ce roman découvert grâce aux 68 premières fois, vous pouvez visiter les sites suivants :  

https://68premieresfois.wordpress.com/2025/02/28/conque-de-perrine-tripier/comment-page-1/#respond

https://booknode.com/auteur/perrine-tripier


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jeudi 17 avril 2025

LE COEUR INVINCIBLE de LAURENCE PEYRIN

 

LE COEUR INVINCIBLE

Autrice : Laurence PEYRIN

Azaria, 23 ans, se donne dix jours pour décider de l’avenir de l’enfant qu’elle porte. Annoncer sa
grossesse à son compagnon, qui vient de décrocher l’université de ses rêves, pourrait bouleverser leurs
projets. Adoptée dès sa naissance, Azaria décide de rechercher sa mère biologique pour démêler les fils
de sa vie. Pendant ce temps, Holy, 39 ans, joaillière accomplie, voit sa carrière vaciller à cause d’un
scandale monté en épingle sur les réseaux sociaux. Entre l’annulation en cascade des commandes et la
trahison de ses associés, elle s’interroge sur la vie qu’elle s’est construite. C’est alors que la fille qu’elle a
abandonnée vingt-trois ans plus tôt à la naissance demande à la rencontrer…
Un roman poignant sur la quête de soi, porté par l’écriture aiguisée de Laurence Peyrin qui nous entraîne dans des tourbillons d’émotions. En toile de fond une plongée dépaysante dans le New-York d’aujourd’hui.


Mon avis :

Comme à son habitude, Laurence Peyrin nous brosse des portraits de femmes bien dans leur époque. 

Au-delà d'un roman qui fait du bien, d'une écriture limpide, elle interroge sur des thèmes universels, l'amour, la sororité, la maternité. Les choix que la société tente d'imposer, Holly ou Azaria, deux destins amenés à se croiser mais surtout la même question encore et toujours : ais-je le choix ?

Une fois de plus, c'est un accrolivre. Impossible de quitter Azaria et ses doutes, Holly et ses certitudes à la suite d'un incident qui va entacher sa réputation, remettre en question tout ce qui faisait la quiétude et le confort de sa vie de joaillère réputée.

Avec son talent habituel, l’autrice tisse un récit qui nous accroche, porté par des personnages vibrants, une ville qui devient elle-même un protagoniste. L’effervescence de New York, ses couleurs, ses contrastes, tout résonne dans le parcours de ces deux femmes. Une lecture qui interpelle autant qu’elle captive, qui laisse une empreinte bien après la dernière page.

À travers ce récit intense et captivant, Laurence Peyrin ne se contente pas de raconter une histoire, elle ouvre une fenêtre sur les combats intimes que mènent les femmes lorsqu’il s’agit de reprendre le contrôle de leur destin. 

En reléguant les figures masculines en périphérie des décisions cruciales, l’autrice insiste sur un point essentiel : les chemins que prennent ces héroïnes ne sont pas dictés par des attentes extérieures, mais bien par une volonté propre, façonnée par leur histoire et leurs aspirations. Et c’est là que Le Cœur Invincible résonne le plus fortement—dans cette affirmation limpide que l’indépendance ne se demande pas, elle se prend.

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vendredi 28 mars 2025

CAMERA OSBCURA de Gwenaëlle LENOIR

 

Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d'autres, et d'autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu'il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s'abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n'a jamais remis en cause l'ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n'est pas prudent.
Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d'un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. De sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.


MON AVIS de CAMERA OBSCURA :

Gwenaëlle Renoir parvient à mêler la dureté factuelle des scènes de guerre avec une poésie brute et saisissante. Son écriture, à la fois réaliste et poétique, nous plonge dans l'âme tourmentée du photographe, qui lutte pour trouver un sens à l'horreur qu'il capture. "Camera Obscura" est un roman puissant qui nous rappelle l'importance de témoigner, de ne pas détourner le regard face à l'indicible.

L'autrice entre dans le coeur du photographe. Elle nous délivre les dilemmes qui l'habitent. Ne pas laisser les morts disparaître, témoigner des atrocités qu'ils ont subis "ce qui n'est pas prudent", préserver sa famille. Fuir ou rester. Résister pour témoigner de l'horreur d'un régime totalitaire qui tue sa population pour asseoir son pouvoir.

L'amour d'Ania, des enfants, le soutien de ceux qui n'ont pas la voix pour s'exprimer mais qui mettent en place une résistance active, de l'ombre pour que soient mises en lumière toutes les exactions commises l'oblige à continuer ce qu'il a spontanément amené à faire des listes. Parce qu'il s'agit de listes...

Un roman à la plume juste pour donner une voix à ceux qui en ont été privés par une mort atroce, pour l'exemple, pour la justice, pour l'Histoire.

Une lecture d'une profonde humanité pour décrire l'absence de ceux, bras armés d'un dictateur, qui se sont perdus et ont laissés faire. "Ce n'est pas prudent" se dit-il, mais il ne peut détourner le regard.

"Le secret d'un homme... c'est la limite même de sa liberté. C'est son pouvoir de résistance aux supplices et à la mort." Jean-Paul Sartre.

Camera obscura devrait être étudier dans les écoles pour la délicatesse de l'écriture, pour l'exploration des mécanismes de la dictature, tout en étant accessible à un public de lycéens par exemple, pour leur permettre de développer une compréhension critique des enjeux humains et politiques contemporains.

Si vous souhaitez plus d'avis sur ce roman captivant, vous pouvez consulter également le site des 68 premières fois grâce auquel je l'ai découvert :

https://68premieresfois.wordpress.com/2025/02/27/camera-obscura-de-gwenaelle-lenoir/ 


ou encore : https://www.babelio.com/livres/Lenoir-Camera-obscura/1584059









lundi 24 mars 2025

UN AVENIR RADIEUX de Pierre LEMAITRE

 

UN AVENIR RADIEUX

Auteur : Pierre LEMAITRE

Aux Éditions CALMANN-LEVY

« Je viens sauver quelqu’un, se répétait-il, et maintenant qu’il se trouvait à deux heures de Prague, il sentait monter en lui une vive anxiété. »
Une échappée belle de Paris à Prague, d’un studio de radio à des ruelles hostiles, d’un cachot glacé à une académie de billard, d’une école de bonnes sœurs aux bureaux obscurs de la République.
Chacun des Pelletier, à son heure, devra choisir entre son intérêt et son devoir, et pour certains entre la raison du cœur et la raison d’État.
Un dilemme parfois déchirant, sauf pour le chat Joseph, qui lui a choisi depuis longtemps.
Passionnant, intense, bouleversant. Un grand roman de Pierre Lemaitre.
Les romans de Pierre Lemaitre ont été récompensés par de nombreux prix littéraires nationaux et internationaux. Après l’immense succès du « Grand Monde » et du « Silence et la Colère », il poursuit avec « Un avenir radieux » sa plongée mouvementée et jubilatoire dans les Trente Glorieuses.


Avis

Troisième opus de la tétralogie de Pierre Lemaitre, "Un avenir radieux" nous plonge dans les années 60, en pleine guerre froide.

Jean et Geneviève, parents de Colette et Philippe, sont entrepreneurs ambitieux. François est journaliste, Nine son épouse est experte en reliure. Enfin Angèle, sœur de Jean et François.

Louis et Angèle, leurs parents, rentrés de Beyrouth, sont des entrepreneurs émérites désormais à la retraite. De retour en France, installés à la campagne, ils louent le courage de leur voisin agriculteur M. Macagne. Parents de Jean, éternel second, de François et d'Angèle, enceinte dans ce nouvel opus. Lambert et elle forment un couple effacé : elle, en Menie Grégoire, et lui, dans l'ombre de son épouse.

Pierre Lemaître nous montre où se situe le courage et les petites veuleries de chacun des personnages qu'ils soient membres de la famille ou responsables du contre-espionnage. La guerre froide, les manipulations et petits arrangements de certains avec la réalité au profit de l'ambition sont au cœur de l'intrigue.

De Jean dit Bouboule à François, de Geneviève à Nine, chaque membre de la famille tente de vivre ses déceptions, d'atteindre ses aspirations, d'être à la hauteur des attentes des autres.

Entre réalisme et fiction, l'auteur aborde des thèmes tels que le besoin de reconnaissance, l'amour filial, la réussite sociale, la pédo-criminalité, les meurtres impunis. La scène de violence sexuelle, développée de manière presque insupportable et rappelée par la suite pour souligner le traumatisme subi, m'a particulièrement heurtée.

Ce n'est pas seulement cette scène qui m'a empêchée d'adhérer pleinement à la promesse d'un avenir radieux, mais le manque de romanesque attendue dans une saga. Peut-être que tout le roman tend à démontrer l'espoir de chacun d'atteindre cet avenir radieux, ce qui nous tient en haleine jusqu'à l'épilogue. 

Bien qu'il y ait du suspense, de l'action, paradoxalement, dans ce troisième volet de la vie de la famille Pelletier, il m'a manqué quelque chose d'indéfinissable pour l'apprécier pleinement.

Cependant, les relations familiales au cœur du roman captivent totalement. L'envie de connaître le sort de Geneviève, Philippe, François, Bouboule, Louis et Colette m'a tenue jusqu'à l'épilogue. 

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lundi 27 janvier 2025

JE SUIS AMÉLIE LENGLET de Philippe Balland Jacques Expert


 JE SUIS AMÉLIE LENGLET

JACQUES EXPERT PHILIPPE BALLAND

Aux Éditions CALMANN-LEVY

DEUX ADOLESCENTES, UNE SEULE IDENTITÉ, UN THRILLER EXALTANT 
La petite Amélie Lenglet a été enlevée à l’âge de sept ans. Une affaire non résolue qui a bouleversé la France. Dix ans plus tard, une jeune fille réapparaît soudainement. Elle dit avoir réussi à fuir ses ravisseurs après des années de séquestration. Un miracle pour ses parents, qui n’ont jamais perdu espoir. L’enquête ne permet ni de retrouver les kidnappeurs ni d’établir sa réelle identité. Peu importe, pour ses parents, il s’agit bien de leur enfant. La famille réunie tente de renouer avec le bonheur du quotidien quand quelques semaines plus tard surgit une seconde jeune fille affirmant : « Je suis Amélie Lenglet. » Et donnant, elle aussi, des détails troublants de vérité sur son enfance avant son enlèvement. Laquelle des deux est la « vraie » Amélie ? 
Même les parents ne sont pas d’accord… Mensonges, secrets et manipulations…L’une d’entre elles est une usurpatrice. Mais laquelle ?


Mon avis  :


Avec "Je suis Amélie Lenglet", les auteurs nous embarquent dans un labyrinthe d'émotions, de mystères irrésolus et de révélations à décrypter. Amélie a disparu 10 ans plus tôt. À quelques semaines d'intervalle, deux jeunes filles prétendent être "Amélie Lenglet". Qui ment ? Qui manipule ? Qui n'a pas tout dit ?

Dès les premières pages, on est happé par l'histoire de cette jeune fille échappée in extremis d'un long calvaire de dix ans, puis de la seconde à se présenter comme Amélie. Deux jeunes filles dont les vies sont entremêlées par des secrets et des mensonges. Philippe Balland et Jacques Expert parviennent à maintenir une tension palpable tout au long de la première partie du livre, au gré de chapitres courts et rythmés par les révélations que met au jour l'enquêtrice.

Camille Desjeunes, gendarme, est un personnage opiniâtre et déterminé. Mère célibataire, elle jongle avec difficulté entre son travail exigeant et l'éducation de ses deux jeunes adolescentes. Effrayée à l'idée de s'engager dans une relation amoureuse, elle comprend d'autant mieux Laetitia Lenglet, cette mère de famille qui jongle entre vie de famille et la gestion de sa pizzéria.

La dynamique familiale est un point fort du roman. Les parents d'Amélie, soudés dans le drame, sont dépeints avec une grande sensibilité. Chacun prend fait et cause pour celle qu'il considère comme sa propre fille, illustrant ainsi la complexité des liens familiaux et de la parentalité. Cette tension entre loyauté et recherche de la vérité ajoute une strate de complexité à l'intrigue et aux relations entre les personnages.

Cependant, la seconde partie du roman s'essouffle un peu avec la dualité entre les deux jeunes filles, les doutes et certitudes des parents. Les rebondissements deviennent plus prévisibles, l'attente un peu déceptive. J'ai apprécié le rôle de l'enquêtrice qui ne se laisse pas déborder par les émotions des parents et la pression de la hiérarchie.

Ce roman est une lecture agréable grâce à la qualité de l'écriture et à la profondeur des personnages. L'épilogue, sans être divulgué, offre une conclusion intéressante qui ne cède pas à la facilité.

Entre thriller et polar psychologique, l'intensité du récit et le twist final font de ce roman une belle expérience d'écriture à quatre mains à découvrir.